Cour de justice de l’Union européenne, le 18 avril 2013, n°C-247/12

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 22 mai 2014, précise l’étendue de la protection des travailleurs salariés en cas d’insolvabilité. Le litige concerne une salariée ayant exercé son activité de 2006 à 2011 au sein d’une entreprise faisant l’objet d’un redressement judiciaire. Un premier jugement d’ouverture intervient en février 2010 sans toutefois ordonner la cessation immédiate des activités de la structure employeuse. L’intéressée sollicite le paiement de créances salariales nées postérieurement à cette première décision mais antérieurement au constat définitif de la cessation des paiements. Les autorités nationales rejettent cette demande en se fondant sur une législation limitant la garantie aux seules créances nées avant la transcription du premier jugement. Le Varhoven administrativen sad décide alors de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne sur la compatibilité de cette restriction temporelle. La question posée porte sur l’obligation pour les États membres de couvrir les créances nées à chaque étape de la procédure d’insolvabilité. La Cour estime que la directive 2008/94 n’impose pas une telle protection exhaustive jusqu’à la fermeture définitive de l’entreprise. L’analyse portera d’abord sur la caractérisation de l’insolvabilité déclenchant la garantie puis sur la liberté laissée aux États pour fixer la date de référence.

**I. La caractérisation de l’insolvabilité déclenchant la garantie**

La Cour souligne que l’état d’insolvabilité au sens européen se cristallise dès le prononcé d’une décision ouvrant une procédure collective. Cette interprétation s’appuie sur l’article 2 de la directive qui « conditionne le déclenchement de la garantie » à l’existence d’une telle procédure.

**A. L’ouverture d’une procédure collective comme fait générateur**

L’ouverture de la procédure suffit à remplir les critères de l’insolvabilité sans qu’il soit nécessaire d’attendre la liquidation totale des actifs disponibles. La juridiction précise qu’il suffit que l’autorité compétente ait « décidé l’ouverture de cette procédure » pour que le mécanisme européen trouve sa pleine application. Le droit bulgare prévoit ainsi un jugement initial constatant l’insolvabilité conformément aux exigences de l’article 2 du texte européen.

**B. L’indépendance vis-à-vis de la cessation effective d’activité**

La protection n’exige pas que la procédure collective en cause doive « nécessairement aboutir à la cessation de l’activité de l’employeur ». Le considérant 4 de la directive confirme cette volonté d’inclure des procédures de redressement n’impliquant pas une disparition immédiate de la structure. Cette approche extensive de la notion d’insolvabilité permet de déclencher la garantie sans préjudicier au maintien temporaire de l’emploi salarié. La définition européenne se détache donc des contingences matérielles de la fermeture d’établissement pour privilégier un critère juridique organique. Cette étape franchie, il convient d’examiner comment les États peuvent alors restreindre temporellement la prise en charge des créances.

**II. La liberté nationale dans la délimitation temporelle de la garantie**

Les États membres disposent d’une faculté discrétionnaire pour déterminer la date avant laquelle les créances salariales impayées sont prises en charge. L’article 3 de la directive laisse ainsi aux législateurs nationaux « la liberté de déterminer une date appropriée » pour limiter l’intervention financière.

**A. La licéité d’une date de référence unique**

Une législation peut valablement retenir la date de transcription du jugement d’ouverture comme point de butée pour le calcul des créances garanties. La Cour juge que la directive « ne s’oppose pas à ce que les États membres prévoient une garantie uniquement pour les créances nées avant » cette étape. Cette solution préserve l’équilibre financier des institutions de garantie tout en respectant le socle minimal de protection imposé par le droit européen. La juridiction écarte l’idée d’une protection continue qui s’étendrait obligatoirement à chaque phase successive du processus judiciaire de traitement des difficultés.

**B. La conformité de la limitation aux objectifs européens**

Le respect du principe d’effectivité n’impose pas une couverture intégrale des dettes salariales nées durant la période de maintien d’activité sous contrôle judiciaire. Les autorités nationales restent libres d’adopter des « dispositions législatives, réglementaires ou administratives plus favorables » si elles souhaitent étendre la période de garantie. En l’absence d’une telle volonté législative, la garantie peut rester circonscrite aux impayés ayant précédé la fragilité publiquement constatée de l’employeur. Cette décision confirme la nature de l’harmonisation européenne qui fixe un cadre protecteur sans supprimer l’autonomie procédurale et temporelle des systèmes juridiques internes.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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