La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 18 avril 2013, interprète le règlement relatif à la sécurité sociale des migrants.
Un assuré résidant dans un État membre a exercé une activité salariée frontalière dans un État voisin avant d’être reconnu en état d’incapacité. Durant cette phase, l’intéressé a perçu des prestations étrangères sur lesquelles des cotisations de retraite furent prélevées par l’organisme de sécurité sociale compétent. L’administration de son État de résidence a refusé de comptabiliser ces années comme des périodes d’assurance lors de la liquidation de ses droits.
L’Arbeidsrechtbank te Tongeren a d’abord déclaré le recours non fondé tout en renvoyant la demande de reconnaissance devant les autorités de l’État d’emploi. Le demandeur a ensuite interjeté appel devant l’Arbeidshof te Antwerpen en invoquant la violation de son droit à la libre circulation des travailleurs. L’institution défenderesse soutient que la situation doit être appréciée exclusivement sur le fondement de la réglementation nationale suite à la cessation d’activité.
La question de droit consiste à savoir si une période d’incapacité peut être exclue des périodes d’assurance malgré le versement effectif de cotisations. La Cour juge que le droit de l’Union s’oppose à ce qu’un État membre refuse de reconnaître la qualité de période d’assurance à une durée cotisée. L’analyse de cette solution porte sur la soumission impérative à la législation de l’État d’emploi avant d’envisager la préservation des droits acquis par le migrant.
**I. La soumission impérative à la législation de l’État d’emploi**
**A. L’application exclusive du principe de la loi de l’État d’emploi**
La Cour rappelle que le travailleur reste soumis à la législation de l’État de son dernier emploi même s’il réside sur un autre territoire. Cette règle de conflit de lois évite les complications résultant de l’application simultanée de plusieurs régimes nationaux de sécurité sociale au sein de l’Union. Seule la législation de l’État membre du dernier emploi demeure applicable pour la détermination des droits sociaux de l’intéressé dans cette situation précise.
Le règlement forme un système complet de règles de conflit soustrayant aux législateurs nationaux le pouvoir de déterminer l’étendue de leur propre compétence. L’État membre de l’activité ne peut donc restreindre sa protection en invoquant la seule cessation d’activité sur son sol par un non-résident.
**B. L’éviction des conditions de résidence nationales restrictives**
L’institution d’une condition de résidence pour valider des périodes d’assurance entre en contradiction avec les objectifs fondamentaux de la coordination des systèmes nationaux. Le juge affirme ainsi que cette disposition « a pour effet de substituer à la condition de résidence une condition fondée sur l’exercice de l’activité salariée ». L’application d’une législation nationale ne saurait conduire à exclure des personnes que le règlement communautaire désigne comme étant pourtant légitimement soumises à celle-ci.
Une exigence de domicile sur le territoire national aboutirait à priver le travailleur mobile de la protection sociale à laquelle il a pourtant contribué. Le respect de la hiérarchie des normes impose d’écarter les critères de résidence locaux au profit des critères de rattachement définis par le droit européen.
**II. La préservation des droits acquis par le travailleur migrant**
**A. La protection contre la perte de cotisations versées à fonds perdus**
Le raisonnement de la Cour repose sur l’impératif de ne pas léser l’assuré ayant versé des contributions obligatoires au régime social de l’État d’emploi. La réglementation nationale ne doit pas conduire « purement et simplement à verser des cotisations sociales à fonds perdus » au détriment du travailleur migrant. Le prélèvement effectif de cotisations sur les prestations d’incapacité crée une attente légitime quant à la validation ultérieure de ces périodes pour la retraite.
L’opposition tardive d’une règle anticumul pour invalider ces périodes d’assurance fragilise la sécurité juridique des citoyens circulant librement dans l’espace européen commun. La justice européenne privilégie la réalité de l’effort contributif sur les obstacles procéduraux invoqués par les institutions nationales lors de la liquidation.
**B. La garantie de l’effet utile de la libre circulation des travailleurs**
La solution garantit que l’exercice du droit à la libre circulation ne se traduise pas par une perte d’avantages de sécurité sociale déjà acquis. Le but des traités ne serait pas atteint si les migrants perdaient des droits représentant la contrepartie nécessaire des cotisations préalablement versées par eux. Une interprétation restrictive des périodes d’assurance par un État membre constituerait une entrave manifeste à la mobilité professionnelle des citoyens au sein de l’Union.
Cette décision confirme une jurisprudence protectrice interdisant aux États membres de pénaliser les travailleurs ayant choisi d’établir leur résidence hors de leurs frontières. La portée de cet arrêt réside dans l’affirmation constante de la primauté des libertés fondamentales sur les spécificités techniques des régimes sociaux nationaux.