La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 18 avril 2013, précise les modalités de calcul d’une pension de retraite pour un travailleur mobile. Cette décision porte sur l’assimilation d’une période d’incapacité de travail à une période d’assurance au sens du règlement relatif à la sécurité sociale des travailleurs.
Un ressortissant d’un État membre, après avoir subi un accident dans son pays d’origine, a exercé une activité salariée en tant que travailleur frontalier chez son voisin. Reconnu en incapacité de travail quelques années plus tard, l’intéressé a perçu une allocation étrangère sur laquelle des cotisations d’assurance vieillesse ont été prélevées jusqu’à sa retraite.
L’organisme de pension national a refusé de prendre en compte cette période d’indemnisation étrangère pour calculer le montant de la prestation de vieillesse due au travailleur migrant. Le tribunal du travail de Tongres a rejeté le recours formé contre cette décision par un jugement rendu en date du 9 juin 1999. Saisie de l’appel, la cour du travail d’Anvers a décidé de surseoir à statuer afin d’interroger la juridiction européenne sur la validité de ce refus administratif.
Le litige soulève la question de savoir si le droit de l’Union autorise un État membre à écarter des périodes de cotisation effectives pour défaut de résidence habituelle. Il convient également de déterminer si une règle anticumul nationale peut justifier l’absence de prise en compte d’une période d’assurance validée par le versement de contributions. La Cour juge que les principes de libre circulation interdisent de priver le travailleur des avantages représentés par la contrepartie des cotisations sociales qu’il a versées.
I. L’empire de la législation européenne sur les règles de conflit nationales
A. La pérennité du rattachement à la législation de l’État du dernier emploi
La Cour rappelle que le système de règlement des conflits de lois instauré par le droit européen présente un caractère impératif et complet pour les États membres. Elle précise qu’un travailleur ayant cessé ses activités dans un État sans travailler ailleurs reste soumis à la législation du pays sur le territoire duquel il fut occupé.
La juridiction souligne qu’un assuré se trouvant dans cette situation relève des dispositions européennes désignant la loi de l’État de son dernier emploi comme la seule applicable. En effet, « un travailleur qui cessait ses activités exercées sur le territoire d’un État membre […] restait soumis à la législation de l’État membre de son dernier emploi ». Cette règle évite qu’une personne entrant dans le champ d’application du règlement ne soit privée de protection sociale faute d’une législation qui lui serait applicable.
B. Le rejet des entraves liées aux conditions de résidence et d’anticumul
L’arrêt souligne que les conditions nationales de constitution des périodes d’assurance ne doivent jamais aboutir à exclure des personnes soumises à une législation par le règlement. La Cour considère que la substitution d’une condition fondée sur le lieu de l’activité salariée à la condition de résidence est un principe fondamental du droit européen.
Le juge affirme clairement que « cette disposition a pour effet de substituer à la condition de résidence une condition fondée sur l’exercice de l’activité salariée sur le territoire ». Par conséquent, une règle nationale subordonnant le bénéfice de l’assurance vieillesse à une résidence effective sur le sol national est inopposable au travailleur migrant concerné. L’existence d’une clause anticumul ne saurait davantage justifier l’exclusion d’une période d’assurance si celle-ci a donné lieu au prélèvement de cotisations sociales réelles et définitives.
II. La préservation de la substance des droits sociaux du travailleur mobile
A. L’interdiction de percevoir des cotisations de sécurité sociale à fonds perdus
La décision met en lumière l’exigence de protection des travailleurs contre les conséquences financières négatives pouvant résulter de l’exercice de leur droit fondamental à la circulation. La Cour juge qu’une réglementation nationale est incompatible avec le droit de l’Union si elle désavantage le travailleur mobile par rapport aux travailleurs sédentaires de l’État.
Le raisonnement s’appuie sur le constat qu’une exclusion de la période d’assurance conduirait à ce que l’intéressé ait versé ses cotisations vieillesse sans obtenir aucune contrepartie juridique. Les juges soulignent qu’une réglementation n’est conforme que pour autant qu’elle « ne conduit pas purement et simplement à verser des cotisations sociales à fonds perdus ». Cette position garantit que les prélèvements effectués sur les prestations d’incapacité de travail produisent des effets concrets sur le calcul futur de la pension de retraite.
B. La consécration de la neutralité de la libre circulation en matière de protection sociale
L’arrêt renforce l’idée que le déplacement dans un autre État membre ne doit pas entraîner la perte d’avantages sociaux garantis par la législation d’un pays. Cette protection est essentielle lorsque ces avantages représentent la contrepartie directe des contributions financières versées par le salarié tout au long de sa carrière professionnelle.
La solution retenue impose aux institutions nationales de reconnaître comme périodes d’assurance celles durant lesquelles des cotisations ont été effectivement retenues sur des prestations d’assurance maladie. L’objectif est d’empêcher que les travailleurs migrants ne perdent les bénéfices de sécurité sociale assurés par la seule législation d’un État membre à la suite de leur mobilité. Cette jurisprudence confirme que la liberté de mouvement constitue un pilier de la construction européenne dont la mise en œuvre exige une coordination sociale sans faille.