Cour de justice de l’Union européenne, le 18 avril 2013, n°C-625/10

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 30 mai 2013 une décision relative au manquement d’un État concernant le développement des chemins de fer. Le litige oppose un organe exécutif de l’Union à une autorité nationale au sujet de la transposition tardive et incomplète de plusieurs directives sectorielles majeures.

Les faits résident dans l’organisation du système ferroviaire où la gestion de l’infrastructure et l’exploitation des services de transport ne semblaient pas suffisamment distinctes. À la suite d’une mise en demeure restée vaine, le requérant a introduit un recours visant à sanctionner l’absence d’indépendance réelle des fonctions de répartition.

L’acte introductif d’instance soutenait que les dispositions nationales ne permettaient pas de garantir une séparation étanche entre l’opérateur historique et le gestionnaire des capacités. En défense, l’État membre affirmait que son modèle administratif respectait les objectifs de neutralité et de transparence imposés par le droit de l’Union européenne.

Le problème de droit porte sur la conformité d’une organisation hybride au regard de l’obligation d’indépendance fonctionnelle des entités chargées des missions essentielles. La juridiction souligne que l’État n’a pas assuré que l’entité responsable soit « indépendante de l’entreprise qui fournit les services de transport ferroviaire » conformément aux directives.

I. La consécration de l’indépendance structurelle des fonctions essentielles de l’infrastructure

L’indépendance de l’organisme de répartition constitue la pierre angulaire de l’ouverture à la concurrence du marché ferroviaire pour garantir un accès non discriminatoire au réseau.

A. L’exigence d’une autonomie décisionnelle des autorités de gestion

La Cour rappelle que les fonctions essentielles énumérées à l’annexe II de la directive 91/440 doivent être exercées par un organe juridiquement autonome. Cette exigence implique une séparation stricte des intérêts afin d’éviter tout conflit entre le gestionnaire de l’infrastructure et les entreprises de transport ferroviaire.

L’arrêt précise que l’indépendance doit être vérifiée au regard des pouvoirs de décision effectifs concernant la tarification et la répartition des sillons sur le réseau. Les autorités nationales sont tenues de garantir que l’entité gestionnaire dispose d’une réelle capacité d’action sans interférence directe de l’exploitant des services.

B. L’insuffisance des mécanismes nationaux de séparation fonctionnelle

En l’espèce, la structure administrative ne permettait pas de démontrer une absence totale de contrôle de l’opérateur de transport sur les décisions de l’infrastructure. La juridiction européenne constate que les mesures prises par l’autorité nationale étaient insuffisantes pour satisfaire aux critères d’indépendance définis par l’article 6 de la directive.

L’absence de garanties statutaires et fonctionnelles claires pour les dirigeants de l’entité gestionnaire fragilise la neutralité du processus de répartition des capacités ferroviaires disponibles. Le juge européen privilégie une approche matérielle de l’indépendance, exigeant une étanchéité organique entre les différents pôles d’activité du secteur ferroviaire libéralisé.

II. L’encadrement strict des mécanismes de tarification et de performance ferroviaire

La régulation du marché ferroviaire repose également sur l’établissement de règles de tarification incitatives destinées à améliorer durablement l’efficacité globale du réseau national.

A. L’obligation de mettre en œuvre un système d’incitation à l’efficacité

L’article 11 de la directive 2001/14 impose aux États membres de créer un système d’amélioration de la performance pour minimiser les perturbations du trafic. La Cour de justice relève que l’État membre n’a pas adopté « toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires » pour instaurer ce dispositif obligatoire.

Ce mécanisme doit comporter des primes ou des pénalités pour encourager les entreprises ferroviaires et le gestionnaire d’infrastructure à respecter leurs engagements contractuels. L’omission de cette réglementation empêche l’optimisation de l’usage des voies et réduit la qualité du service offert aux usagers du transport par rail.

B. Les conséquences du défaut de transposition des objectifs de performance

L’absence de ce cadre incitatif nuit à la compétitivité du rail en ne récompensant pas les efforts de ponctualité ou de maintenance de l’infrastructure. Le manquement est ainsi caractérisé puisque l’omission législative prive de base légale l’application de mesures correctrices indispensables au bon fonctionnement du marché intérieur.

La solution retenue confirme la volonté du juge européen de subordonner la validité des modèles nationaux au respect strict des principes de libéralisation sectorielle. Ce constat de manquement oblige l’autorité nationale à réformer sa législation pour intégrer des outils de régulation conformes aux exigences d’efficacité économique.

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Hassan KOHEN
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