Cour de justice de l’Union européenne, le 18 avril 2024, n°C-195/23

La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision rendue le 6 octobre 2025, précise l’étendue de la protection sociale des agents de l’Union. Cet arrêt examine la conformité d’une affiliation obligatoire au régime national pour une activité accessoire exercée sur le territoire d’un État membre. Un fonctionnaire de la Commission européenne exerçait, parallèlement à ses missions, une activité d’enseignement dûment autorisée par son institution d’affectation. L’organisme national belge de sécurité sociale a exigé son affiliation ainsi que le versement de cotisations sociales pour cette activité complémentaire. Le requérant a saisi le Tribunal du travail francophone de Bruxelles afin de contester cet assujettissement et d’obtenir le remboursement des sommes versées. La juridiction de renvoi demande si l’article 14 du protocole sur les privilèges et immunités s’oppose à l’application d’un régime national de sécurité sociale. La Cour affirme que les dispositions du statut des fonctionnaires interdisent à un État membre d’imposer une telle obligation de contribution sociale. L’analyse portera sur la compétence exclusive de l’Union avant d’étudier l’interdiction des doubles cotisations au titre du principe de coopération loyale.

I. L’affirmation de la compétence exclusive de l’Union en matière de sécurité sociale des fonctionnaires

A. Le fondement textuel de l’unicité du régime protecteur

La Cour rappelle que l’Union dispose d’une compétence exclusive pour déterminer les règles applicables aux obligations sociales de ses agents permanents. Le régime commun de sécurité sociale trouve son siège à l’article 14 du protocole n° 7 ainsi que dans les dispositions précises du statut. « Le législateur de l’Union est seul compétent pour déterminer à sa guise l’étendue et les conditions d’application des dispositions en matière de sécurité sociale ». Cette exclusivité retire aux États membres le pouvoir de définir les conditions d’application de leur propre législation nationale aux fonctionnaires européens. Le statut revêt une force obligatoire et une applicabilité directe qui s’imposent rigoureusement à toutes les autorités administratives des États membres.

B. L’assimilation fonctionnelle au règlement de coordination

Le juge souligne que l’article 14 du protocole remplit une fonction analogue à celle de l’article 11 du règlement n° 883/2004. Ce mécanisme vise à prohiber l’obligation pour les fonctionnaires de contribuer simultanément à différents régimes de protection sociale en Europe. La Cour précise que « le principe de l’unicité du régime de sécurité sociale applicable vise à éviter les complications qui peuvent résulter de l’application simultanée ». Bien que les fonctionnaires ne relèvent pas directement du champ d’application personnel du règlement de coordination, ils bénéficient d’une protection juridique équivalente. L’unicité du régime assure ainsi une clarté nécessaire dans la gestion des droits sociaux des travailleurs mobiles au sein de l’Union.

II. L’éviction des législations nationales face aux impératifs de coopération loyale

A. L’immatérialité de la nature des revenus accessoires

L’arrêt écarte l’argument national fondé sur la distinction entre les revenus versés par l’Union et ceux issus d’une activité privée. La compétence exclusive du législateur européen s’étend aux contributions qu’un État prélèverait sur toute sorte de revenu, y compris les rémunérations accessoires. « Le fonctionnaire de l’Union est exclusivement assujetti au régime de sécurité sociale des institutions de l’Union », peu importe l’origine des fonds perçus. La distinction entre obligations fiscales et sociales permet aux États de taxer ces revenus sans pour autant exiger une affiliation au régime social. L’absence de prestations immédiates en contrepartie des cotisations nationales ne justifie pas non plus une dérogation au principe d’unicité du régime.

B. La préservation de l’attractivité de la fonction publique européenne

Le principe de coopération loyale inscrit à l’article 4, paragraphe 3, du traité sur l’Union européenne proscrit toute mesure nationale entravant les missions communautaires. Une réglementation imposant un double assujettissement risquerait de rompre l’égalité de traitement entre les fonctionnaires selon leur lieu d’exercice d’activités complémentaires. « Une telle réglementation risquerait de rompre l’égalité de traitement entre les fonctionnaires de l’Union et, partant, de décourager l’exercice d’une activité professionnelle ». Les États membres doivent respecter le droit de l’Union lorsqu’ils aménagent leurs systèmes de sécurité sociale pour ne pas léser les agents européens. Cette décision sanctuarise le régime social des fonctionnaires contre toute velléité de récupération financière par les administrations sociales des États membres.

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Hassan KOHEN
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