La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 18 avril 2024, une décision fondamentale relative aux modalités de remboursement des frais de voyage annuel des agents. Plusieurs fonctionnaires dont le lieu d’origine se situe hors du territoire de l’Union contestaient la réduction substantielle de leurs indemnités kilométriques forfaitaires. Le Tribunal de l’Union européenne avait initialement rejeté leurs recours en validant le recours au critère de la nationalité pour le calcul des sommes dues. Saisie sur pourvoi, la Cour devait déterminer si l’application d’un tel critère portait atteinte au principe général de non-discrimination entre les membres du personnel. La juridiction annule les arrêts contestés en jugeant que la nationalité constitue un fondement de calcul arbitraire et sans lien direct avec l’objectif de la réglementation.
I. La censure du critère de nationalité comme fondement arbitraire
A. L’identification d’une différence de traitement injustifiée
La Cour rappelle que le principe d’égalité exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente sans une justification objective et pertinente. Elle souligne que « l’ensemble des fonctionnaires ayant droit à une indemnité de dépaysement ou d’expatriation se trouvent dans une situation comparable » au regard du maintien des liens personnels. La distinction opérée par le législateur selon la localisation du lieu d’origine, au sein ou en dehors de l’Union, s’avère donc juridiquement problématique. Les requérants percevaient des montants différents pour un même éloignement géographique en raison de leur seule appartenance nationale ou de la situation de leur capitale.
B. L’inéquation du critère retenu au regard de la finalité statutaire
L’avantage financier litigieux doit « permettre au fonctionnaire et aux personnes à sa charge de se rendre, au moins une fois par an, à son lieu d’origine ». Or, la Cour constate que le critère de la capitale de l’État membre de nationalité demeure sans rapport véritable avec cette finalité sociale. Elle juge que le texte introduit « une différenciation arbitraire parmi les fonctionnaires dont le lieu d’origine est situé en dehors de l’Union » au détriment de l’équité. Le calcul basé sur une distance fictive vers une capitale européenne ne reflète aucunement les frais réels occasionnés par un déplacement lointain vers le foyer.
II. La primauté de l’égalité de traitement sur les impératifs budgétaires
A. L’insuffisance des justifications économiques et administratives
Les institutions défendaient la réforme au nom de l’assainissement des finances publiques et d’une volonté de simplification de la gestion administrative des dossiers individuels. La Cour rejette fermement cette argumentation en affirmant que des « considérations de nature purement budgétaire » ne sauraient constituer une justification objective à une telle rupture d’égalité. Si le législateur dispose d’un large pouvoir d’appréciation, il ne peut procéder à une « différenciation manifestement inadéquate » pour des motifs de simple opportunité comptable. La protection rigoureuse des droits statutaires fondamentaux l’emporte ainsi sur la recherche d’une efficacité administrative à visée exclusivement quantitative et financière.
B. La portée de la décision sur le régime indemnitaire de la fonction publique
La solution rendue impose une révision immédiate des modalités de calcul pour l’ensemble des agents dont le centre des intérêts principaux se situe hors Europe. En écartant la disposition réglementaire litigieuse, la Cour enjoint à l’administration de verser les sommes correspondant à la distance géographique réelle séparant l’affectation du lieu d’origine. Cette décision renforce la sécurité juridique des fonctionnaires internationaux face aux évolutions restrictives et budgétaires du statut des fonctionnaires de l’Union européenne. Elle confirme définitivement que la nationalité ne peut servir de substitut technique à l’analyse concrète et objective des situations individuelles des travailleurs expatriés.