Cour de justice de l’Union européenne, le 18 décembre 2014, n°C-354/13

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 18 décembre 2014, précise le régime juridique applicable aux travailleurs souffrant d’obésité. Un agent chargé de la garde d’enfants a été licencié après quinze ans de services au sein d’une collectivité territoriale danoise. L’employeur invoquait officiellement une baisse d’activité, mais le salarié dénonçait une mesure discriminatoire fondée sur son poids particulièrement important. Saisi de ce litige, le Retten i Kolding a sollicité la Cour par un renvoi préjudiciel enregistré le 25 juin 2013. La juridiction nationale souhaitait savoir si le droit de l’Union interdisait une discrimination fondée sur l’obésité ou si celle-ci constituait un handicap. Les juges luxembourgeois considèrent que l’obésité ne constitue pas un motif de discrimination autonome mais peut être qualifiée de handicap sous certaines conditions. L’analyse de cette décision suppose d’envisager l’exclusion de l’obésité comme motif de discrimination direct avant d’étudier son assimilation possible au handicap.

I. La négation d’une interdiction générale de la discrimination fondée sur l’obésité

A. L’absence de consécration d’un principe général protecteur

La Cour affirme que « le droit de l’Union doit être interprété en ce sens qu’il ne consacre pas de principe général de non-discrimination en raison de l’obésité ». Elle rappelle que les traités et la Charte des droits fondamentaux ne mentionnent pas expressément le poids parmi les causes interdites. Les juges refusent ainsi d’étendre la liste des motifs de discrimination au-delà de ceux prévus par le législateur européen. Cette position garantit une sécurité juridique nécessaire en évitant une inflation des catégories protégées sans base légale claire. Le droit primaire ne permet donc pas de sanctionner un licenciement fondé exclusivement sur l’état d’obésité du travailleur.

B. L’énumération limitative des motifs prévus par la directive

La directive 2000/78 ne contient aucune référence à l’obésité dans son champ d’application matériel défini par son article premier. Les juges soulignent que le champ d’application de ce texte ne saurait être étendu par analogie à d’autres caractéristiques physiques. Cette interprétation stricte confirme que le législateur de l’Union a entendu limiter la protection aux seuls critères explicitement énumérés. Par conséquent, une inégalité de traitement liée au poids ne relève pas directement de la discrimination au sens de ce texte. Ce constat initial conduit toutefois les juges à rechercher une protection alternative par le biais de la notion de handicap.

II. La reconnaissance conditionnelle de l’obésité comme un handicap

A. La définition fonctionnelle du handicap appliquée à la surcharge pondérale

L’état d’obésité constitue un handicap lorsqu’il entraîne une « limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques durables ». La Cour s’appuie ici sur une conception sociale et environnementale du handicap conforme à la Convention des Nations Unies. La limitation doit interagir avec diverses barrières pour faire obstacle à la « pleine et effective participation de la personne à la vie professionnelle ». L’origine de l’obésité ou la responsabilité du travailleur dans la survenance de cet état sont totalement indifférentes à la qualification. Seul importe l’impact concret de la morphologie sur l’aptitude du salarié à exercer ses fonctions sur un pied d’égalité.

B. La vérification in concreto des obstacles à la vie professionnelle

Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si ces conditions de limitation et d’interaction avec des barrières sont effectivement remplies. Le juge danois devra déterminer si la mobilité réduite ou les pathologies associées à l’obésité ont entravé l’exercice des missions de garde. Si tel est le cas, le travailleur bénéficiera de la protection contre la discrimination ainsi que de l’obligation d’aménagements raisonnables. Cette solution impose à l’employeur une vigilance accrue dès lors que la corpulence du salarié génère des difficultés professionnelles tangibles. L’obésité accède ainsi à une protection juridique efficace sans nécessiter la création d’une nouvelle catégorie de discrimination.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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