La Cour de justice de l’Union européenne, dans son arrêt du 18 juillet 2013, traite de la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée. Un employeur avait constitué un fonds de pension distinct pour ses salariés conformément à une obligation légale nationale. Ce fonds possédait une personnalité juridique et fiscale propre, séparée de celle de la société fondatrice. L’entreprise a conclu des contrats pour l’administration et la gestion du patrimoine de cette entité de retraite. Elle a ensuite déduit la taxe grevant ces prestations de services acquises en amont de son activité.
L’administration fiscale a contesté cette déduction, estimant que la société n’était pas la destinataire finale des prestations. Saisie d’un recours, la Cour d’appel de Leeuwarden a sursis à statuer par une décision du 3 janvier 2012. Le juge national s’interroge sur la possibilité pour un assujetti de déduire la taxe relative au fonctionnement d’un fonds de pension séparé. La question juridique porte sur l’existence d’un lien direct et immédiat entre ces dépenses et l’activité économique globale de l’assujetti.
La Cour répond que l’assujetti peut déduire cette taxe si les coûts constituent des frais généraux incorporés dans le prix des produits. L’examen portera d’abord sur la consécration du droit à déduction par les frais généraux (I), puis sur la garantie de la neutralité fiscale (II).
I. La consécration du droit à déduction par l’intégration aux frais généraux
A. L’exigence tempérée d’un lien direct et immédiat
Le droit à déduction repose traditionnellement sur un lien entre une opération particulière en amont et des opérations taxées en aval. La jurisprudence admet toutefois une extension de ce principe lorsque les dépenses sont liées à l’ensemble de l’activité. La Cour précise qu’un droit à déduction est admis « lorsque les coûts des services en cause font partie des frais généraux de cet assujetti ». Ces dépenses doivent être des éléments constitutifs du prix des biens ou des services fournis par l’entreprise concernée. Elles entretiennent alors un lien direct et immédiat avec l’activité économique globale de l’assujetti, justifiant ainsi la récupération de la taxe.
B. L’origine légale des dépenses liées à la gestion du personnel
La société a acquis les prestations pour assurer l’administration des retraites de ses employés et la gestion du patrimoine du fonds. En constituant cette structure, l’employeur a simplement répondu à une obligation légale lui incombant spécifiquement en cette qualité. La Cour considère que « l’acquisition des prestations en amont trouve sa cause exclusive dans les activités taxables de l’assujetti ». Ce lien exclusif permet d’assimiler les frais de gestion du fonds aux frais de fonctionnement courant de l’entreprise. L’existence d’une entité juridiquement distincte ne rompt pas la relation économique nécessaire avec les opérations taxées en aval.
II. La préservation de la neutralité fiscale et de la liberté d’organisation
A. Le respect impératif de la neutralité du système commun
Le régime des déductions vise à soulager entièrement l’entrepreneur du poids de la taxe due dans le cadre de ses activités. Le système cherche à garantir une parfaite neutralité de la charge fiscale pour toutes les activités économiques soumises à l’imposition. Si le droit à déduction était refusé, l’assujetti supporterait un coût fiscal injustifié en raison de la structure choisie. La Cour souligne qu’en l’absence de déduction, « la neutralité de la TVA ne serait plus garantie » pour cet opérateur économique. La protection des droits à la retraite ne doit pas conduire à une augmentation de la charge fiscale pesant sur l’employeur.
B. La liberté de choix des structures organisationnelles de l’entreprise
Le droit national imposait la protection des retraites par une séparation juridique entre l’employeur et le fonds de pension créé. Cette contrainte légale ne doit pas restreindre la liberté reconnue aux assujettis de choisir l’organisation qu’ils estiment la plus appropriée. Une solution contraire limiterait indûment la possibilité pour les entreprises de structurer leurs activités afin de limiter leurs charges fiscales globales. Les juges rappellent la liberté des opérateurs de choisir les structures organisationnelles et les modalités transactionnelles les plus adaptées à leur situation. La séparation fiscale entre les entités ne saurait donc occulter la réalité économique d’une dépense engagée pour les besoins de l’exploitation.