Par un arrêt rendu le 18 juillet 2013, la Cour de justice de l’Union européenne précise les conditions d’attribution des bourses d’études pour une formation suivie à l’étranger. Cette décision concerne deux ressortissants allemands ayant effectué une partie de leur parcours scolaire hors de leur pays d’origine avant d’entamer des études supérieures. L’administration nationale a refusé de prolonger leur aide financière au-delà d’une année en raison d’une clause de résidence ininterrompue de trois ans sur le territoire. Le Verwaltungsgericht Hannover, par une décision du 5 octobre 2011, et le Verwaltungsgericht Karlsruhe, le 16 novembre 2011, ont alors interrogé la juridiction européenne. La question posée porte sur la compatibilité d’une telle exigence avec le droit de libre circulation et de séjour garanti par les traités. La Cour juge cette restriction disproportionnée, ouvrant ainsi la voie à une analyse rigoureuse du lien d’intégration entre l’étudiant et son État membre.
I. La caractérisation d’une restriction à la liberté de circulation des citoyens européens
Le droit à la mobilité des étudiants constitue un pilier de l’intégration européenne que les réglementations nationales ne sauraient entraver par des conditions de résidence trop strictes. Cette protection s’appuie d’abord sur la reconnaissance du statut fondamental de citoyen avant de sanctionner les obstacles créés par les législations des États membres.
A. L’application du statut de citoyen de l’Union européenne
La Cour rappelle que les ressortissants des États membres jouissent de prérogatives attachées à leur citoyenneté, lesquelles sont opposables à leur propre État d’origine. Selon une formule désormais classique, « le statut de citoyen de l’Union a vocation à être le statut fondamental des ressortissants des États membres » au sein de l’espace commun. Cette qualité permet aux individus se trouvant dans une situation identique d’obtenir un traitement juridique équivalent, indépendamment de toute considération liée à leur nationalité. Les situations relatives à l’exercice des libertés fondamentales, notamment la circulation sur le territoire européen, relèvent ainsi pleinement du domaine d’application du droit de l’Union. Les juges soulignent que cette compétence doit s’exercer dans le respect des dispositions du traité, malgré la souveraineté des États sur leur système éducatif.
B. L’identification d’un obstacle discriminatoire à la mobilité
Toute réglementation nationale pénalisant un ressortissant pour avoir exercé son droit de séjourner dans un autre État membre constitue une restriction aux libertés individuelles garanties. En l’espèce, la loi allemande impose une condition de résidence ininterrompue de trois ans pour bénéficier d’une aide financière complète lors d’études effectuées à l’étranger. La Cour observe qu’un tel critère est de nature à dissuader les étudiants de quitter leur pays pour entreprendre une formation dans un autre État. Cette mesure crée un désavantage pour les citoyens mobiles, alors même que les traités visent spécifiquement à « favoriser la mobilité des étudiants et des enseignants » dans l’Union. Une telle entrave ne peut être admise que si elle repose sur des considérations objectives d’intérêt général et respecte scrupuleusement le principe de proportionnalité.
II. L’absence de proportionnalité de la condition de résidence exclusive
Si les États membres peuvent légitimement exiger la preuve d’un lien d’intégration, le recours à un critère unique et rigide excède ce qui est nécessaire. L’analyse de la Cour distingue ainsi l’objectif de protection des finances publiques de la méthode employée pour vérifier le rattachement réel du demandeur.
A. La légitimité du critère de l’intégration sociale
Il demeure licite pour un État de subordonner l’octroi d’une aide à l’existence d’un degré d’intégration suffisant des étudiants dans la société nationale prestataire. Cette exigence vise à éviter que le système d’assistance ne devienne une charge économique déraisonnable capable d’affecter le niveau global des prestations allouées par l’État. La Cour admet que la préservation des ressources publiques financées par l’impôt constitue une justification objective d’intérêt général indépendante de la nationalité des personnes concernées. L’établissement d’un lien réel entre le demandeur et la société d’accueil permet de garantir que l’aide remplit sa fonction sociale de soutien aux résidents effectifs. Toutefois, la poursuite de cet objectif budgétaire ne doit pas conduire à l’exclusion systématique de citoyens disposant d’attaches concrètes avec leur pays.
B. Le caractère excessif de l’exigence de résidence continue
La preuve du lien d’intégration exigée par une réglementation nationale ne doit pas présenter un caractère trop exclusif au détriment d’autres éléments représentatifs du rattachement. Les juges considèrent qu’une condition unique de résidence risque d’écarter des étudiants possédant pourtant des liens étroits avec la société allemande, comme leur scolarité ou leur famille. Le texte de l’arrêt précise qu’une telle mesure présente un « caractère trop général et exclusif » en privilégiant indûment un seul facteur de rattachement au détriment de l’analyse globale. La nationalité, les capacités linguistiques ou l’existence d’autres liens sociaux et économiques sont autant d’indicateurs que les autorités nationales devraient pouvoir prendre en considération. En conséquence, la condition de résidence de trois ans va au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre l’objectif de stabilité du système d’aide.