La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 18 mai 2017, précise les critères de compétence internationale en matière de contrefaçon de marque.
Une entreprise établie au Danemark, titulaire d’une marque internationale produisant des effets dans l’Union européenne, a engagé une action en contrefaçon de ses droits. Cette action visait une société de tête dont le siège se situe aux États-Unis ainsi que sa filiale de droit néerlandais. Les faits reprochés concernaient la commercialisation de vêtements et de chaussures de sport sur le territoire allemand par l’intermédiaire d’un site internet. Une sous-filiale de la société de tête, établie en Allemagne, assurait la promotion des produits et le service après-vente sans toutefois les distribuer directement.
Saisie de l’appel d’un jugement rendu par le tribunal régional de Düsseldorf, la Cour régionale supérieure de Düsseldorf, par décision du 16 novembre 2015, a sursis à statuer. La juridiction de renvoi s’interroge sur les conditions dans lesquelles une sous-filiale d’une entreprise étrangère peut être qualifiée d’établissement au sens du droit européen. La requérante soutient que la présence de cette entité en Allemagne justifie la compétence des tribunaux allemands pour statuer sur l’ensemble du territoire de l’Union. Les défenderesses contestent cette analyse en soulignant l’indépendance juridique de la sous-filiale et son absence de participation directe à la vente des produits litigieux.
La question posée à la Cour porte sur l’interprétation de la notion d’établissement prévue à l’article 97 paragraphe 1 du règlement sur la marque de l’Union. La Cour répond qu’une telle entité constitue un établissement dès lors qu’elle dispose d’une « présence réelle et stable » agissant comme le « prolongement » de la maison mère. La compréhension de cette solution suppose d’analyser d’abord les critères matériels retenus par les juges avant d’en mesurer la portée sur le contentieux unitaire.
I. La consécration d’une définition autonome de l’établissement au service de l’unité du droit
A. Une autonomie conceptuelle guidée par les objectifs du règlement
La Cour souligne que les termes d’une disposition du droit de l’Union ne comportant aucun renvoi exprès au droit national exigent une interprétation autonome. Cette autonomie garantit l’application uniforme des règles de compétence et respecte le principe d’égalité entre les justiciables au sein de l’espace européen. Le juge doit tenir compte non seulement des termes de la disposition mais également du contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation. Les règles de compétence du règlement spécial constituent une dérogation au droit commun de la compétence judiciaire civile et commerciale pour assurer une protection renforcée.
B. L’exigence de signes matériels de présence réelle et stable
L’existence d’un établissement requiert une forme de « présence réelle et stable, à partir de laquelle une activité commerciale est exercée ». Cette structure doit se manifester durablement vers l’extérieur comme le prolongement d’une maison mère par la présence de personnel et d’un équipement matériel. Il est dépourvu de pertinence que l’entité soit pourvue ou non de la personnalité juridique ou qu’elle soit une filiale directe ou une sous-filiale. Les tiers doivent pouvoir s’en remettre à l’apparence créée par l’établissement agissant pour le compte de la société dont le siège est hors de l’Union.
II. Une extension fonctionnelle de la compétence internationale garantissant l’efficacité de la protection
A. L’indifférence relative à la structure sociétaire et à l’implication dans le litige
La qualification d’établissement ne dépend pas de la participation effective de la structure locale aux faits de contrefaçon allégués dans la procédure principale. La Cour affirme qu’une telle exigence « ne serait en outre pas conciliable avec la nécessité d’une interprétation large de la notion d’établissement ». Cette approche facilite la défense de la maison mère en la rattachant à une juridiction d’un État où elle dispose d’une proximité matérielle. L’indépendance juridique d’une sous-filiale ne fait donc pas obstacle à ce qu’elle serve de point d’ancrage pour la compétence des tribunaux des marques.
B. La sécurisation d’un for de proximité au bénéfice de la protection unitaire
L’interprétation large retenue renforce la protection des marques en évitant les décisions contradictoires et les atteintes au caractère unitaire du titre de propriété. Les décisions rendues par les tribunaux compétents sur ce fondement produisent un effet qui s’étend à l’ensemble du territoire de l’Union européenne. Ce système garantit un for de principe prévisible tout en assurant l’efficacité des sanctions prononcées contre les entreprises situées dans des États tiers. La Cour de justice favorise ainsi une centralisation du contentieux au plus proche des centres d’opérations réels des grands groupes internationaux de distribution.