Cour de justice de l’Union européenne, le 18 mars 2014, n°C-167/12

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 18 mars 2014, précise les conditions d’attribution du congé de maternité. Une employée d’un hôpital a eu recours à une gestation pour autrui afin d’accueillir un enfant sans porter elle-même la grossesse. L’employeur a rejeté sa demande de congé rémunéré car les régimes internes ne prévoyaient pas cette situation spécifique de maternité de substitution. Saisie de l’affaire, la juridiction de Newcastle upon Tyne a interrogé la Cour sur la conformité de ce refus au droit européen.

La salariée soutenait que l’absence de congé constituait une discrimination sexuelle et une violation des garanties minimales accordées aux travailleuses allaitantes. L’établissement hospitalier affirmait en revanche que le droit à une telle allocation appartient exclusivement à la mère biologique ayant accouché. La question posée concerne l’obligation pour un État membre d’accorder un congé de maternité à une mère commanditaire au titre des directives sociales. La Cour juge que les textes européens n’imposent pas ce droit dès lors que la travailleuse n’a pas subi les contraintes de l’accouchement.

L’étude de cette solution suppose d’analyser d’abord l’exclusion de la travailleuse du champ de la directive de 1992 avant d’examiner l’absence de discrimination.

I. L’exclusion de la mère commanditaire du champ de la protection biologique

A. Un congé conditionné par la réalité physique de la grossesse

La Cour souligne que la directive 92/85 vise prioritairement à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleuses enceintes. Le bénéfice du congé de maternité repose sur la protection de la condition biologique de la femme au cours et à la suite de sa grossesse. Le juge affirme que « le congé de maternité prévu à l’article 8 de cette directive a pour but de protéger la santé de la mère ». Cette protection s’applique spécifiquement à la « situation spécifique de vulnérabilité découlant de sa grossesse » dont la mère commanditaire demeure structurellement exclue.

L’objectif de préserver les rapports entre la femme et son enfant ne concerne que la période postérieure à la gestation et à l’accouchement. La Cour de justice rappelle que l’attribution d’un tel repos « suppose que la travailleuse en bénéficiant ait été enceinte et ait accouché ». La situation d’une mère n’ayant pas porté l’enfant ne permet donc pas de mobiliser les dispositions protectrices de la directive sur la maternité.

B. Une protection limitée aux conséquences directes de l’accouchement

La décision précise que les États membres conservent la liberté d’instaurer des mesures nationales plus favorables pour les parents ayant recours à la substitution. La directive établit seulement des exigences minimales en matière de sécurité au travail sans interdire une protection élargie aux situations de maternité sociales. Le droit de l’Union « n’exclut nullement la faculté pour les États membres d’appliquer » des dispositions législatives protectrices pour les mères de substitution. Cette latitude permet d’adapter le droit interne aux évolutions sociétales sans pour autant créer une obligation d’harmonisation contraignante au niveau européen.

Si la protection biologique est écartée en raison de l’absence de grossesse, il convient de vérifier si le principe d’égalité de traitement est respecté.

II. L’absence de discrimination prohibée par le droit de l’Union

A. L’inexistence d’un traitement différencié fondé sur le sexe

Le refus d’octroyer le congé ne constitue pas une discrimination directe car cette règle s’appliquerait de manière identique à un père commanditaire. La raison essentielle de la décision patronale ne repose pas sur un motif s’appliquant exclusivement aux travailleurs de l’un des deux sexes. La Cour observe également qu’aucun élément ne démontre qu’une telle mesure désavantagerait particulièrement les femmes par rapport aux hommes dans l’entreprise. L’absence de congé de maternité pour substitution ne viole donc pas le principe d’égalité de traitement garanti par la directive de 2006.

B. L’impossibilité d’un préjudice lié à une grossesse inexistante

Le juge européen écarte toute discrimination liée à la grossesse en soulignant qu’un tel état fait défaut dans le cas de la mère commanditaire. La requérante « ne peut, par définition, faire l’objet d’un traitement moins favorable lié à sa grossesse, étant donné qu’elle n’a pas été enceinte ». Le droit européen limite la protection contre le traitement défavorable aux seules conséquences physiques et biologiques de la maternité vécue par la salariée. Le refus litigieux ne peut dès lors être qualifié de discriminatoire au sens du droit positif actuel malgré la réalité du lien parental.

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Hassan KOHEN
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