Cour de justice de l’Union européenne, le 18 mars 2014, n°C-427/12

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu le 18 mars 2014 un arrêt fondamental portant sur l’équilibre institutionnel et la hiérarchie des normes. Le litige concernait la validité d’une disposition d’un règlement relatif à la mise à disposition sur le marché et à l’utilisation des produits biocides. La partie requérante contestait le choix du législateur d’autoriser la fixation des redevances d’un organisme technique par un acte d’exécution plutôt que par délégation.

L’institution à l’origine du recours estimait que la détermination de ces frais complétait des éléments non essentiels du texte, imposant alors le recours à l’acte délégué. Plusieurs États membres sont intervenus pour soutenir la position des autorités défenderesses, affirmant le caractère purement exécutif de la compétence ainsi transférée à l’autorité exécutive. Le problème juridique réside dans l’identification du critère permettant de distinguer le pouvoir de compléter un acte normatif de celui d’en assurer l’exécution uniforme.

La juridiction rejette le recours en validant le choix de la procédure d’exécution pour la précision technique des conditions financières de fonctionnement de l’organisme de l’Union. Elle précise d’abord les critères généraux de distinction entre les compétences normatives avant d’apprécier la validité de la disposition contestée au regard de ces principes directeurs.

I. La clarification des critères de distinction entre délégation et exécution

A. La reconnaissance d’une marge d’appréciation au profit du législateur

La décision précise d’emblée que les traités ne fournissent aucune définition de la notion d’acte d’exécution, rendant nécessaire une interprétation fonctionnelle de ces dispositions organiques. Le juge souligne que « le législateur de l’Union dispose d’un pouvoir d’appréciation lorsqu’il décide d’attribuer […] un pouvoir délégué […] ou un pouvoir d’exécution ». Cette liberté de choix permet aux autorités normatives de structurer l’architecture juridique européenne en fonction des besoins techniques et politiques de chaque secteur d’activité. L’exercice de ce pouvoir politique reste néanmoins soumis au contrôle du juge afin de prévenir toute erreur manifeste dans la qualification de la compétence normative transférée.

B. L’exigence d’un encadrement législatif suffisant de l’acte d’exécution

La validité du recours à la procédure d’exécution dépend de l’existence d’un cadre juridique complet préalablement établi par les représentants des citoyens et des États. Le contrôle juridictionnel vérifie si le régime établi n’appelle qu’à être précisé, sans qu’il doive être « modifié ni complété en des éléments non essentiels ». Une mesure d’exécution est ainsi licite dès lors qu’elle se borne à détailler le contenu normatif d’un acte législatif déjà substantiellement défini. Cette approche privilégie la continuité de l’action administrative tout en préservant le rôle central du législateur dans la définition des choix politiques majeurs de l’Union.

II. La conformité du régime des redevances aux exigences de la compétence d’exécution

A. Le caractère technique de la fixation des redevances de l’organisme

L’acte législatif pose le principe du paiement de redevances destinées à couvrir les frais engendrés par les tâches spécifiques confiées à l’autorité technique compétente du secteur. La Cour relève que les montants « sont fixés à un niveau qui permet de garantir que les recettes qui en proviennent […] sont suffisantes pour couvrir les coûts ». Le législateur a ainsi défini lui-même le principe directeur du régime financier, limitant l’intervention ultérieure de l’autorité exécutive à une simple opération de précision. La faculté de moduler les frais en faveur de certaines catégories d’entreprises ou de prévoir des remboursements partiels s’inscrit dans ce cadre normatif délimité.

B. L’impératif de conditions uniformes pour la mise en œuvre financière

Le juge estime que l’attribution d’un pouvoir d’exécution est raisonnable dès lors qu’il s’agit d’assurer des conditions uniformes d’application du régime financier sur le territoire. L’unicité de la gestion des redevances à l’échelle européenne justifie le recours aux mécanismes d’exécution pour garantir une parfaite égalité de traitement entre les opérateurs. La décision confirme que la précision de simples délais de paiement ou de modalités de scission n’affecte en rien les éléments essentiels de la politique publique. Cet arrêt sécurise la pratique institutionnelle consistant à déléguer les aspects budgétaires et comptables les plus fluctuants aux autorités exécutives sous le contrôle du législateur.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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