Cour de justice de l’Union européenne, le 18 septembre 2014, n°C-308/13

La Cour de justice de l’Union européenne, en sa septième chambre, s’est prononcée par un arrêt du 11 septembre 2014 sur les critères d’appréciation du risque de confusion. Un titulaire de marques antérieures s’opposait à l’enregistrement de nouveaux signes comportant un patronyme associé à une signature manuscrite. Le Tribunal de l’Union européenne avait, par deux décisions du 20 mars 2013, rejeté les recours formés contre les décisions de l’Office de l’harmonisation. La requérante a formé un pourvoi devant la Cour, invoquant une violation des règles relatives à la détermination de l’élément dominant. Elle contestait également l’absence de position distinctive autonome reconnue au nom de famille au sein de la marque demandée. La juridiction devait déterminer si la présence d’un nom de famille dans une marque complexe lui confère systématiquement un rôle prédominant. La haute juridiction rejette les pourvois, confirmant qu’un élément figuratif peut dominer visuellement l’impression d’ensemble d’un signe. Elle précise qu’un patronyme ne conserve pas de position autonome s’il s’intègre dans une unité sémantique nouvelle. Cette décision permet d’étudier l’importance de l’impression d’ensemble dans le conflit de marques (I) avant d’analyser l’intégration du patronyme au sein d’un ensemble unitaire (II).

I. L’appréciation globale fondée sur l’impression d’ensemble des signes

A. La prépondérance visuelle des éléments figuratifs dominants L’appréciation du risque de confusion repose sur une analyse globale prenant en compte les facteurs pertinents de l’espèce. La Cour rappelle que « l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant ». L’examen doit porter sur les marques considérées dans leur ensemble, tout en identifiant d’éventuels éléments dominants. Dans cette affaire, les éléments figuratifs sont jugés visuellement prépondérants par rapport aux termes verbaux composant le signe. Le consommateur remarque directement la signature manuscrite en raison de sa taille et de son caractère stylisé. Cette position privilégiée au-dessus des éléments verbaux justifie la qualification d’élément dominant dans l’impression globale. La Cour valide ainsi le raisonnement du Tribunal ayant relégué les mentions écrites au second plan. La détermination de la dominance visuelle s’appuie donc sur des critères matériels tels que la dimension des graphismes.

B. La relativité du caractère distinctif de l’élément verbal La requérante soutenait que l’élément verbal d’une marque complexe serait systématiquement plus distinctif que l’élément figuratif. La Cour rejette cette prétention en soulignant qu’« il n’existe aucune règle selon laquelle l’élément verbal est systématiquement plus distinctif ». Le caractère distinctif doit s’apprécier concrètement selon la perception du public pertinent pour les produits désignés. Si le consommateur utilise souvent le nom pour désigner un produit, la force visuelle d’une signature peut inverser cette tendance. Les juges considèrent que les mots associés au patronyme possèdent un caractère distinctif réduit dans cette configuration. L’élément verbal joue ici un rôle informatif secondaire, ne permettant pas de contrebalancer la force de l’image. Cette approche confirme la primauté de l’analyse factuelle sur toute présomption juridique rigide en matière de marques. L’analyse de l’impression globale conduit nécessairement à s’interroger sur l’autonomie sémantique des éléments composants.

II. L’absence de position distinctive autonome du nom de famille

A. La formation d’une unité sémantique cohérente Un signe peut conserver une position distinctive autonome sans constituer l’élément dominant de la marque complexe. Toutefois, cette autonomie disparaît lorsque l’élément forme avec les autres une unité ayant un sens différent. La Cour précise qu’un élément ne reste pas autonome s’il crée « une unité ayant un sens différent ». Dans cette affaire, le nom de famille est étroitement associé à un prénom ainsi qu’à des termes complémentaires. L’ensemble verbal est perçu par le public comme une information relative au styliste ayant conçu les produits. Cette association crée un bloc sémantique unitaire qui prive le patronyme de son individualité propre au sein du signe. Le public ne perçoit plus le nom comme une marque indépendante mais comme le composant d’une identité nouvelle. L’effet de fusion sémantique neutralise le risque que le consommateur attribue l’origine des produits au titulaire antérieur.

B. La confirmation d’une méthodologie d’examen casuistique La décision souligne que la protection d’un nom de famille n’est pas absolue au sein d’une marque composée. La constatation d’une position distinctive autonome ne peut être fondée que sur l’examen des facteurs pertinents. Le Tribunal a valablement estimé que le patronyme faisait partie d’un élément verbal jouant un rôle purement informatif. La Cour confirme que la simple présence d’un nom de famille ne suffit pas à caractériser un risque de confusion. Cette jurisprudence limite la portée des marques patronymiques face à des signes complexes intégrant des créations graphiques. Elle impose aux juges du fond une analyse rigoureuse de la structure syntaxique et visuelle des signes. La solution retenue privilégie la réalité de la perception du consommateur moyen sur la protection théorique des signes. Ce rejet des pourvois stabilise le droit des marques en renforçant l’exigence d’une unité sémantique globale.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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