Cour de justice de l’Union européenne, le 18 septembre 2019, n°C-526/17

La Cour de justice de l’Union européenne, siégeant à Luxembourg, a rendu le 18 septembre 2019 une décision fondamentale relative à la passation des marchés publics. Les faits concernent la décision d’un État membre de prolonger la durée d’une concession autoroutière sans procéder à une nouvelle publication d’un avis de marché. L’organe exécutif de l’Union a introduit un recours en manquement, estimant que cette prorogation constituait une modification substantielle du contrat initialement conclu entre les parties intéressées. La question juridique posée à la juridiction concernait la compatibilité d’une extension contractuelle de dix-huit ans avec les principes de transparence et de libre concurrence européenne. Le juge européen affirme que l’absence de publicité méconnaît les dispositions impératives relatives à la coordination des procédures de passation des marchés publics de travaux et services. L’étude de cette décision impose d’analyser d’abord la qualification de la prorogation contractuelle, puis les conséquences juridiques du manquement aux obligations de publicité adéquate.

I. L’assimilation de la prorogation contractuelle à un nouveau marché public

A. L’exigence de publicité pour les modifications substantielles La juridiction relève que la modification de la concession autoroutière consistait à décaler le terme du contrat du 31 octobre 2028 au 31 décembre 2046. Un tel allongement de la durée d’exploitation modifie de manière significative l’économie générale de la convention au profit exclusif de l’opérateur économique déjà en place. En agissant ainsi, l’autorité nationale a « manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 2 et 58 de la directive 2004/18/ce ». Ces dispositions imposent le respect du principe d’égalité de traitement entre les soumissionnaires potentiels souhaitant accéder à la gestion des infrastructures de transport routier. L’extension temporelle est donc regardée comme la passation d’un nouveau marché nécessitant une procédure de mise en concurrence complète, transparente et non discriminatoire.

B. Le manquement caractérisé aux obligations de transparence L’arrêt sanctionne l’omission des autorités administratives ayant agi « sans publier d’avis de marché » pour l’exploitation du tronçon reliant les villes de Livourne et Cecina. Cette absence de publicité prive les autres entreprises de la possibilité réelle de manifester leur intérêt pour l’exécution des travaux et des services de maintenance associés. Le juge européen considère que la transparence est le corollaire indispensable de la liberté d’établissement et de la libre prestation de services au sein de l’Union. La décision souligne que les exceptions aux règles de publicité doivent être interprétées de manière restrictive afin de ne pas vider les directives de leur substance. L’autorité publique ne disposait d’aucune marge de manœuvre pour soustraire ce renouvellement contractuel aux exigences de la législation européenne alors en vigueur sur son territoire.

La compréhension de la nature de l’acte conduit à s’interroger sur la portée de la censure prononcée par les juges à l’égard des pratiques contractuelles étatiques.

II. La portée de la sanction du manquement aux directives de passation

A. La protection de la libre concurrence au sein du marché intérieur La solution affirmée par la Cour garantit que les concessions de longue durée ne deviennent pas des instruments de verrouillage des marchés nationaux au profit d’acteurs historiques. Le droit de l’Union s’oppose à toute pratique administrative visant à pérenniser des situations acquises sans remise en compétition périodique des contrats de travaux publics d’envergure. La protection de la concurrence effective exige que chaque modification importante des conditions contractuelles soit accessible à l’ensemble des opérateurs économiques actifs sur le marché intérieur. Cette rigueur juridique favorise l’innovation et l’efficience économique en permettant l’entrée de nouveaux prestataires dans des secteurs traditionnellement fermés par des accords de gré à gré. L’arrêt renforce la sécurité juridique des investisseurs en précisant les limites des prérogatives des entités adjudicatrices dans la gestion courante de leurs relations contractuelles spécifiques.

B. La limitation des prérogatives nationales dans la gestion des concessions Le dispositif de la décision précise que « le recours est rejeté pour le surplus », ce qui démontre un examen attentif des différents griefs soulevés par l’institution requérante. La Cour limite son constat de violation aux faits précisément établis concernant la prorogation illicite du tronçon autoroutier mentionné dans la requête déposée par l’organe exécutif européen. Cette approche équilibrée rappelle que le recours en manquement n’est pas une procédure punitive mais un instrument visant à rétablir la pleine légalité du droit communautaire applicable. La répartition des dépens reflète le succès partiel des prétentions de chacune des parties devant la juridiction de Luxembourg au terme d’une procédure complexe de vérification. Les autorités des États membres doivent désormais intégrer la contrainte de la publicité systématique lors de toute renégociation portant sur la durée des délégations de service public.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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