La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 18 septembre 2019, précise le régime fiscal des plus-values lors d’échanges de titres. Des particuliers ont réalisé des apports de titres avant de céder, plusieurs années après, les parts reçues en contrepartie de cette opération de restructuration. L’administration fiscale a refusé d’appliquer les abattements pour durée de détention sur les plus-values reportées et a limité l’avantage sur les gains de cession. La juridiction de renvoi a interrogé la Cour sur la conformité de cette pratique nationale avec les objectifs de neutralité portés par le droit européen. La Cour affirme que les directives s’opposent à une distinction de traitement entre la plus-value en report et celle issue de la cession ultérieure. Cette solution garantit que l’opération d’échange ne pénalise pas l’associé par rapport à une situation où il aurait conservé ses titres originels. La neutralité fiscale du mécanisme de report d’imposition précède l’examen de l’exigence d’une égalité de traitement lors de la liquidation de l’impôt.
I. La consécration du principe de neutralité fiscale lors de l’échange de titres
A. L’interdiction d’une imposition immédiate du fait de l’opération d’échange
L’article 8 de la directive 2009/133 prévoit que l’attribution de titres lors d’un échange ne doit entraîner « aucune imposition sur le revenu ou les plus-values ». La Cour souligne que cette disposition assure la neutralité fiscale en interdisant de considérer l’opération d’échange comme le fait générateur d’une dette fiscale immédiate. Cette règle permet aux entreprises de s’adapter aux exigences du marché intérieur sans subir de restrictions ou de désavantages particuliers découlant des dispositions nationales. Le droit de l’Union européenne impose aux États membres de ne pas pénaliser fiscalement les restructurations transfrontalières par rapport aux opérations purement internes. La préservation de cette créance fiscale ne doit pas faire obstacle au maintien de l’associé dans une situation de neutralité économique parfaite.
B. Le report d’imposition comme modalité de sauvegarde de la compétence fiscale
Les États membres disposent d’une marge de manœuvre pour mettre en œuvre cette neutralité tout en sauvegardant leurs intérêts financiers par des techniques comptables appropriées. Le report d’imposition permet de constater la plus-value lors de l’échange sans pour autant exiger le paiement immédiat de l’impôt dû par le contribuable. Cette mesure « interdit uniquement de considérer cette opération d’échange comme étant le fait générateur de l’imposition » afin de respecter les objectifs de la directive. La compétence fiscale de l’État sur la plus-value latente est préservée jusqu’à la cession effective des titres reçus lors de l’opération. L’acceptation de cette technique est subordonnée à l’absence de conséquences désavantageuses lors de l’imposition effective des gains réalisés par le contribuable.
II. L’exigence d’un traitement fiscal équivalent lors de la cession ultérieure
A. L’application impérative du régime d’abattement pour durée de détention
L’imposition de la plus-value reportée doit suivre les règles d’assiette et de taux en vigueur à la date de la cession ultérieure des nouveaux titres. La Cour juge que la plus-value placée en report doit bénéficier du régime d’abattement pour durée de détention dans les mêmes conditions que les titres originels. Toute exclusion de cet avantage irait « au-delà d’une simple constatation de la plus-value » et entraînerait des conséquences fiscales contraires au principe fondamental de neutralité. Le calcul de la durée de détention doit remonter à la date d’acquisition des titres échangés pour préserver l’équivalence économique de l’investissement. Le rétablissement de l’équité pour le contribuable contribue à la réalisation d’un espace économique intégré et dénué d’entraves fiscales.
B. La portée de la solution au regard du fonctionnement du marché intérieur
L’arrêt renforce la protection des investisseurs en garantissant que les restructurations de sociétés ne modifient pas la charge fiscale finale supportée par les associés. En imposant un « même traitement fiscal » aux deux types de plus-values, la Cour limite les distorsions de concurrence entre les différents États membres. Cette interprétation uniforme assure que les décisions de restructuration reposent sur des motifs économiques plutôt que sur des considérations liées à une pression fiscale discriminatoire. La solution favorise la fluidité des capitaux au sein de l’Union européenne tout en respectant la souveraineté fiscale des autorités nationales concernées.