Cour de justice de l’Union européenne, le 19 avril 2007, n°C-134/04

Par un arrêt dont l’extrait ne précise pas la date, la Cour de justice des Communautés européennes a statué sur la légalité d’un règlement du Conseil fixant les possibilités de pêche pour l’année 2004. En l’espèce, un État membre a introduit un recours en annulation partielle contre ce règlement. L’État requérant contestait le fait que le texte ne lui attribuait aucune possibilité de pêche pour certains stocks en mer du Nord et en mer Baltique.

La procédure a été initiée directement devant la Cour de justice par cet État membre. Il soutenait que l’exclusion de l’attribution de ces quotas de pêche constituait une violation du principe d’égalité de traitement. Selon lui, la fin du régime transitoire prévu par son acte d’adhésion de 1985 devait lui permettre d’accéder à ces zones de pêche au même titre que les autres États membres. Le Conseil, défendeur à l’instance, s’est opposé à cette demande, vraisemblablement en faisant valoir que la répartition des quotas obéissait à des critères objectifs conformes au droit communautaire. La question de droit soumise à la Cour était donc de savoir si l’expiration d’un régime transitoire d’adhésion imposait au Conseil, au nom du principe de non-discrimination, d’allouer des possibilités de pêche à un État membre dans des zones où celui-ci n’avait pas d’antériorité de pêche.

À cette question, la Cour de justice a répondu par la négative en rejetant le recours. Elle a jugé que la méthode de répartition des quotas de pêche, bien que différenciée, ne constituait pas une discrimination fondée sur la nationalité. La solution retenue valide ainsi une clé de répartition des ressources halieutiques fondée sur des critères autres qu’une simple égalité mathématique entre les États membres.

La décision de la Cour repose sur une interprétation stricte des principes régissant la politique commune de la pêche, confirmant la primauté du critère de la stabilité relative dans la répartition des ressources (I). Ce faisant, elle définit une portée limitée à la fin des régimes transitoires d’adhésion, qui ne saurait conférer des droits de pêche automatiques sur l’ensemble des eaux communautaires (II).

I. La confirmation du principe de stabilité relative comme critère objectif de répartition

La Cour, en rejetant l’accusation de discrimination, valide une méthode de répartition des quotas qui repose sur une clé de répartition historique (A) et considère que la différence de traitement qui en résulte est objectivement justifiée (B).

A. La réaffirmation d’une clé de répartition historique

La politique commune de la pêche repose sur le principe de la stabilité relative, qui vise à garantir à chaque État membre une part fixe des possibilités de pêche pour les principaux stocks. Cette répartition se fonde sur les antériorités de pêche de chaque flotte nationale au cours d’une période de référence. En l’espèce, le règlement attaqué appliquait ce critère pour allouer les quotas pour l’année 2004. L’État requérant, n’ayant pas d’activités de pêche historiques dans les zones concernées, ne pouvait logiquement se voir attribuer une part des captures sur ce fondement.

Le raisonnement de la Cour confirme que l’accès aux ressources halieutiques n’est pas un droit inconditionnel découlant de la seule appartenance à l’Union. Il est encadré par des règles de gestion précises destinées à assurer une exploitation durable et à préserver les équilibres socio-économiques des régions dépendantes de la pêche. En se référant implicitement à ce mécanisme, la Cour rappelle que le système de répartition vise à éviter une compétition dommageable entre les flottes, en se basant sur une situation de fait établie. L’absence d’attribution de quotas à l’État requérant n’est donc que la conséquence mécanique de l’application de ce principe général.

B. Le rejet de la discrimination en présence d’une différence de traitement justifiée

Le principe d’égalité de traitement, principe fondamental du droit communautaire, n’interdit pas toute différence de traitement. Il s’oppose seulement aux distinctions qui ne reposent pas sur une justification objective et raisonnable. Dans cette affaire, la Cour a estimé que le critère de la stabilité relative constituait une telle justification. Fonder la répartition des quotas sur les captures historiques est un choix politique du législateur communautaire qui poursuit un objectif légitime de gestion des ressources et de stabilité économique.

L’argument de l’État requérant, qui voyait dans son exclusion « une discrimination », est donc écarté. La différence de traitement entre cet État et ceux qui bénéficiaient de quotas dans les zones concernées n’était pas fondée sur la nationalité, mais sur un critère objectif et non discriminatoire : l’existence ou l’absence d’une activité de pêche antérieure. En validant cette approche, la Cour de justice préserve la cohérence de la politique commune de la pêche et la sécurité juridique des opérateurs qui dépendent de la stabilité des droits de pêche alloués.

En validant la méthode de répartition du Conseil, la Cour de justice clarifie par conséquent la portée juridique de l’expiration des périodes transitoires en matière de pêche.

II. La portée limitée de la fin des régimes transitoires d’adhésion

L’arrêt enseigne que la fin d’un régime dérogatoire post-adhésion signifie l’intégration pleine et entière au cadre juridique commun, et non l’octroi de droits nouveaux (A). La solution vise ainsi à préserver l’équilibre économique fragile des flottes de pêche déjà établies dans les zones concernées (B).

A. L’intégration dans la politique commune et non l’ouverture de droits nouveaux

L’argument central de l’État requérant reposait sur une mauvaise interprétation de la fin du régime transitoire issu de son acte d’adhésion. Pour lui, l’expiration des dispositions spécifiques prévues aux articles 154 à 166 de cet acte aurait dû entraîner une remise à plat de la répartition des quotas. Or, la Cour juge que la fin de la transition a pour seul effet de soumettre l’État membre concerné à l’ensemble des règles de la politique commune de la pêche, y compris le principe de stabilité relative qu’il contestait.

Cette solution est logique : le régime transitoire constituait une exception temporaire, et son terme marque le retour au droit commun, non la création d’un droit particulier à l’égalisation des conditions de pêche. La décision souligne ainsi que l’adhésion à l’Union implique l’acceptation de l’acquis communautaire dans son intégralité, y compris les contraintes qu’il impose. L’impossibilité pour l’État requérant d’accéder à de « nouvelles possibilités de pêche » n’est pas une sanction, mais l’application du cadre réglementaire existant auquel il est désormais pleinement soumis.

B. La préservation de l’équilibre des flottes de pêche existantes

Au-delà de l’aspect purement juridique, la décision de la Cour revêt une portée économique et sociale importante. Accéder à la demande de l’État requérant aurait conduit à une redistribution des possibilités de pêche au détriment des flottes des autres États membres qui exploitaient historiquement ces stocks. Une telle redistribution aurait déstabilisé l’équilibre économique des communautés de pêcheurs concernées et remis en cause le fondement même du principe de stabilité relative.

En rejetant le recours, la Cour protège les attentes légitimes des pêcheurs des États membres déjà actifs dans ces zones. Elle confirme que la politique commune de la pêche doit concilier la conservation des ressources et le maintien d’une activité économique viable pour ceux qui en dépendent. L’arrêt, bien qu’étant une décision d’espèce, réaffirme avec force un principe structurant de cette politique : la gestion des ressources halieutiques ne peut se faire au prix d’une rupture des équilibres historiques, même au nom d’une conception extensive du principe d’égalité.

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Hassan KOHEN
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