Par un arrêt en date du 19 avril 2007, la Cour de justice des Communautés européennes a statué sur un recours en manquement introduit par la Commission européenne. Ce recours visait à faire constater qu’un État membre n’avait pas transposé dans le délai imparti la directive 2003/9/CE. Cette directive établit des normes minimales pour l’accueil des demandeurs d’asile au sein des États membres.
En l’espèce, ladite directive, adoptée le 27 janvier 2003, prévoyait une échéance pour sa transposition en droit interne. L’État membre concerné n’ayant pas communiqué les mesures nationales prises à cet effet, la Commission a engagé la procédure en manquement prévue par le traité. Après l’envoi d’une lettre de mise en demeure restée sans réponse satisfaisante, elle a émis un avis motivé accordant un délai supplémentaire à l’État pour se conformer à ses obligations. Face à la persistance du manquement au-delà de ce nouveau délai, la Commission a saisi la Cour de justice. La question de droit posée était de savoir si le défaut de prendre et de communiquer les dispositions nationales nécessaires à la transposition d’une directive, à l’expiration du délai fixé par l’avis motivé, caractérise un manquement d’État. La Cour a répondu par l’affirmative, en jugeant que « en ne prenant pas, dans le délai prescrit, les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour se conformer à la directive 2003/9/CE […], la République hellénique a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l’article 26 de cette directive. ». Cette décision illustre la rigueur avec laquelle la Cour contrôle le respect par les États membres de leurs obligations communautaires (I), conférant ainsi une pleine portée au caractère contraignant des directives (II).
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I. La constatation objective du manquement par la Cour
L’analyse de la Cour repose sur une approche formaliste du manquement, qui découle directement de l’obligation de transposition des directives (A) et s’apprécie à une date précise et intangible (B).
A. Le caractère absolu de l’obligation de transposition
Les directives lient tout État membre destinataire quant au résultat à atteindre, tout en laissant aux instances nationales la compétence quant à la forme et aux moyens. L’obligation de transposer une directive dans le délai qu’elle fixe constitue une exigence fondamentale du droit communautaire. Elle vise à garantir l’application effective et uniforme du droit sur l’ensemble du territoire de l’Union.
Dans cette affaire, l’État membre ne contestait pas l’absence de transposition. L’existence du manquement est donc appréciée de manière objective, sans que la Cour n’ait à prendre en considération d’éventuelles justifications fondées sur des difficultés d’ordre interne. La simple constatation matérielle de l’omission à la date butoir suffit à caractériser la violation des obligations issues du traité. La solution est sévère mais nécessaire à la préservation de l’ordre juridique communautaire.
B. La cristallisation du manquement à l’échéance de l’avis motivé
La Cour réaffirme une jurisprudence constante en matière de contentieux en manquement. Le moment pertinent pour apprécier l’existence de l’infraction n’est pas la date d’introduction du recours, mais bien la date d’expiration du délai fixé dans l’avis motivé. Comme le rappelle le sommaire de l’arrêt, la « Situation à prendre en considération – Situation à l’expiration du délai fixé par l’avis motivé » est le seul critère temporel retenu.
Cette règle procédurale a une double fonction. D’une part, elle garantit les droits de la défense de l’État membre, qui dispose d’une dernière chance pour régulariser sa situation durant la phase précontentieuse. D’autre part, elle fixe de manière définitive l’objet du litige. Toute régularisation postérieure à cette date est sans incidence sur l’existence du manquement et ne peut conduire qu’à un désistement de la Commission, mais non à un rejet du recours au fond si l’instance est maintenue.
II. La portée systémique de la sanction du défaut de transposition
Au-delà de la solution d’espèce, cet arrêt a une valeur confirmative qui renforce l’autorité du droit communautaire (A) et garantit son effectivité au bénéfice des justiciables (B).
A. La valeur confirmative d’un arrêt de manquement classique
La décision commentée ne constitue pas un revirement de jurisprudence. Elle s’inscrit dans une lignée bien établie d’arrêts en manquement sanctionnant les États membres défaillants dans leur obligation de transposition. Sa valeur est avant tout pédagogique et dissuasive. Elle rappelle à l’ensemble des États membres que le respect des délais de transposition n’est pas négociable et que la Commission dispose des outils pour en assurer le respect.
En exerçant son rôle de « gardienne des traités », la Cour assure la cohésion et la primauté de l’ordre juridique de l’Union. Le caractère quasi automatique de la condamnation en cas de manquement avéré, comme dans le cas présent, témoigne d’une volonté de ne tolérer aucune brèche dans l’édifice normatif communautaire. La solution protège l’intégrité du système juridique intégré.
B. La portée d’une solution au service de l’effectivité du droit
Bien que la décision se prononce sur un manquement formel, sa portée matérielle est considérable. La directive 2003/9/CE visait à harmoniser les conditions d’accueil des demandeurs d’asile, leur garantissant des droits minimaux en matière de logement, de scolarisation ou encore d’accès aux soins. Le retard dans sa transposition prive les personnes concernées des droits que le législateur communautaire a entendu leur conférer.
En sanctionnant l’État défaillant, la Cour ne fait pas que régler un différend institutionnel avec la Commission. Elle assure indirectement la protection des particuliers, qui sont les bénéficiaires ultimes des normes édictées. La condamnation pour manquement est ainsi un instrument essentiel pour garantir que les directives ne restent pas lettre morte et produisent leurs effets concrets et uniformes dans tous les États membres.