La Cour de justice de l’Union européenne, dans sa décision du 19 avril 2018, se prononce sur l’interprétation de la directive 2004/17 relative aux secteurs spéciaux. Le litige porte sur le refus d’une entité adjudicatrice de réviser le prix d’un marché de nettoyage attribué pour l’entretien de gares ferroviaires. Cette demande faisait suite à une augmentation sensible des coûts de personnel rencontrée par le prestataire durant l’exécution des prestations contractuelles. Le Tribunale amministrativo regionale per la Sardegna a rejeté le recours initial par un jugement rendu en date du 11 juin 2014. La juridiction de premier ressort a estimé que la réglementation nationale excluant la révision des prix dans les secteurs spéciaux était parfaitement applicable. Saisi en appel, le Consiglio di Stato a décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne sur la conformité de cette exclusion. Les requérantes soutiennent que l’absence de révision tarifaire méconnaît les principes de concurrence et les libertés fondamentales garanties par les traités européens. La question posée tend à déterminer si le droit de l’Union impose aux États membres une obligation de prévoir la révision périodique des prix. La Cour juge que ni la directive sectorielle ni les principes généraux du droit de l’Union ne s’opposent à une telle législation nationale. L’analyse de l’absence d’obligation de révision tarifaire au regard de la directive 2004/17 précède l’étude des limites de l’intervention du droit européen.
I. L’absence d’obligation de révision des prix au regard de la directive 2004/17
Le droit de l’Union européenne encadre strictement les procédures de passation sans pour autant régir l’intégralité des modalités d’exécution des marchés publics.
A. Le rattachement fonctionnel du marché au secteur des transports
La Cour rappelle que la directive 2004/17 s’applique aux marchés liés par un lien fonctionnel aux activités de transport visées par les traités. Les prestations de nettoyage des gares ferroviaires servent directement à l’exercice de l’activité de transport en assurant la salubrité des infrastructures nécessaires aux usagers. La décision précise que « ce marché doit être soumis aux procédures prévues par ladite directive » dès lors qu’il présente un lien avec une activité sectorielle. L’entité adjudicatrice doit donc respecter les principes fondamentaux de passation même si l’objet principal du contrat semble de prime abord étranger aux services postaux. Le juge européen confirme ici une interprétation large des activités exercées par les entités opérant dans les secteurs de l’eau ou de l’énergie. Cette approche garantit une application uniforme des règles de mise en concurrence sur l’ensemble du territoire des États membres de l’Union.
B. Le silence de la législation européenne sur l’adaptation tarifaire
La directive 2004/17 n’impose aucune obligation spécifique de prévoir des dispositions exigeant de l’entité adjudicatrice qu’elle accorde une révision à la hausse du prix. Les principes d’égalité de traitement et de transparence visent principalement à garantir une concurrence loyale lors du choix de l’offre économiquement la plus avantageuse. La Cour souligne que « le prix du marché constitue un élément de grande importance dans l’évaluation des offres par une entité adjudicatrice ». Une modification ultérieure du prix pourrait fausser la comparaison initiale entre les différents opérateurs économiques ayant participé à la consultation publique. La réglementation nationale interdisant la révision périodique favorise donc le respect de l’égalité en figeant les conditions financières convenues lors de l’attribution. L’absence de clause de révision est ainsi jugée compatible avec les exigences de la commande publique européenne malgré les aléas économiques rencontrés.
II. L’encadrement restreint du contrôle de conformité au droit européen
Le contrôle de la Cour se limite aux domaines où les États membres mettent effectivement en œuvre les dispositions précises du droit de l’Union.
A. L’inapplicabilité de la Charte des droits fondamentaux
Les requérantes invoquaient l’article 16 de la Charte relatif à la liberté d’entreprise pour contester le déséquilibre contractuel résultant de l’impossibilité de réviser. La Cour rappelle néanmoins que les dispositions de la Charte s’adressent aux États uniquement lorsqu’ils mettent en œuvre le droit de l’Union européenne. Les règles italiennes litigieuses ne présentent pas de lien de rattachement suffisant avec la directive 2004/17 pour justifier un examen de constitutionnalité européenne. La décision affirme que la directive « n’imposait aucune obligation spécifique aux États membres à l’égard de la situation en cause au principal ». En l’absence d’harmonisation des clauses de révision tarifaire, les législateurs nationaux conservent leur pleine compétence pour définir le régime des contrats publics. La liberté contractuelle et la protection des droits fondamentaux ne sauraient donc être utilement invoquées pour pallier une lacune du droit dérivé.
B. Le rejet de l’exception d’invalidité de la directive sectorielle
Le Consiglio di Stato s’interrogeait sur la validité de la directive dans l’hypothèse où elle imposerait l’exclusion de toute révision des prix. La juridiction européenne écarte ce grief en soulignant le caractère hypothétique de la question posée par le juge national de dernier ressort. Dès lors que la directive ne s’oppose pas aux règles nationales, elle ne saurait être tenue pour responsable d’un éventuel caractère injuste du contrat. La Cour considère que la question de la validité « revêt un caractère hypothétique » et la déclare par conséquent irrecevable dans le cadre préjudiciel. Les principes de proportionnalité et de non-discrimination ne sont pas remis en cause par le silence du législateur européen sur l’exécution financière. La solution confirme la marge de manœuvre dont disposent les entités adjudicatrices pour définir les conditions contractuelles avant le lancement de la procédure. Le risque économique lié à l’augmentation des coûts de main-d’œuvre demeure ainsi à la charge exclusive de l’opérateur économique ayant accepté les termes.