Cour de justice de l’Union européenne, le 19 avril 2018, n°C-645/16

Par un arrêt rendu le 19 avril 2018, la Cour de justice de l’Union européenne précise l’application du régime d’indemnisation des agents commerciaux. Cette décision traite spécifiquement du droit à réparation lorsque la rupture du contrat intervient pendant une période d’essai stipulée par les parties. En l’espèce, une société avait conclu un contrat d’agence pour la vente de maisons individuelles prévoyant un essai de douze mois. Le mandant a rompu la relation après cinq mois en invoquant le non-respect des objectifs commerciaux fixés initialement. Le mandataire a sollicité le paiement d’une indemnité compensatrice devant le tribunal de commerce d’Orléans par un acte du 20 mars 2013. Ce premier juge a fait droit aux demandes avant que la cour d’appel d’Orléans n’infirme cette solution dans un arrêt du 18 décembre 2014. La juridiction d’appel considérait que l’indemnité n’était pas due en cas de rupture intervenue au cours de la période d’essai contractuelle. Saisie d’un pourvoi, la Cour de cassation a sursis à statuer par une décision du 6 décembre 2016 pour interroger la juridiction européenne. La question posée visait à déterminer si les régimes d’indemnisation prévus par la directive 86/653 s’appliquent lors de la cessation d’un contrat durant l’essai. La Cour de justice affirme que ces dispositions s’appliquent car la rupture constitue une cessation des relations contractuelles au sens de la législation européenne. Le droit à réparation subsiste indépendamment de la présence d’une clause d’essai dans l’accord liant les parties. L’analyse portera d’abord sur l’affirmation d’une conception extensive de la cessation contractuelle avant d’examiner la consécration du caractère impératif de la protection de l’agent.

I. L’affirmation d’une conception extensive de la cessation contractuelle

A. L’inclusion de la période d’essai dans le champ d’application de la directive

Les juges européens soulignent que la directive 86/653 ne mentionne jamais la notion de période d’essai dans ses dispositions textuelles. La relation entre un agent et son commettant existe dès la conclusion d’un contrat ayant pour objet la négociation d’opérations commerciales. Toute rupture intervenue durant cette phase initiale doit être qualifiée de « cessation du contrat » conformément aux termes de l’article 17 de la directive. Cette qualification juridique garantit l’application uniforme du droit de l’Union européenne sur l’ensemble des territoires des États membres concernés par l’harmonisation.

B. L’interprétation stricte des causes d’exclusion de l’indemnité

L’article 18 de la directive énumère limitativement les situations dans lesquelles l’indemnité ou la réparation du préjudice n’est pas due par le commettant. La rupture pendant la période d’essai n’y figure pas explicitement parmi les motifs permettant d’écarter le droit à réparation du mandataire. La Cour rappelle qu’en tant qu’exception, cet article doit faire l’objet d’une interprétation stricte interdisant d’ajouter des causes de déchéance non prévues. Par ailleurs, l’application systématique de ce régime trouve son fondement dans la protection impérative des intérêts de l’agent au regard des objectifs de la directive.

II. La consécration du caractère impératif de la protection de l’agent

A. La finalité indemnitaire déconnectée de la durée de la relation

Le régime d’indemnisation vise à dédommager l’agent pour ses prestations passées dont le commettant continue de tirer des avantages après la rupture. Cette indemnité ne constitue pas une sanction pour la rupture du contrat mais la contrepartie du développement de la clientèle par l’intermédiaire. « L’agent commercial a droit à une indemnité si et dans la mesure où il a apporté de nouveaux clients au commettant » précise la directive. Le respect des conditions de fond de l’indemnisation prime sur les modalités de résiliation prévues par les clauses contractuelles particulières. Cette prévalence de la norme européenne sur la volonté des contractants assure l’effectivité du droit à réparation reconnu à l’intermédiaire.

B. L’interdiction de toute dérogation défavorable à l’intermédiaire indépendant

L’article 19 de la directive interdit aux parties de déroger aux règles de protection avant l’échéance du contrat au détriment de l’agent. Considérer que la stipulation d’un essai exclut le droit à réparation constituerait une dérogation prohibée par le caractère impératif de la norme européenne. Toute interprétation défavorable à l’agent commercial est systématiquement écartée par la Cour pour préserver l’objectif de protection poursuivi par le législateur de l’Union. Cette solution impose désormais aux mandants de verser l’indemnité compensatrice même en cas d’échec de la période d’essai contractuellement définie.

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Hassan KOHEN
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