Cour de justice de l’Union européenne, le 19 décembre 2024, n°C-596/23

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 19 décembre 2024, précise le régime des droits d’accise lors de ventes à distance transfrontalières. Ce litige oppose une société établie dans un État membre à l’administration fiscale d’un autre État concernant le paiement de taxes sur des boissons alcooliques. Un particulier a acquis ces produits sur un site internet proposant des liens vers des transporteurs recommandés avant de conclure un contrat séparé avec l’un d’eux. Saisie par le Tribunal administratif de Helsinki, la juridiction européenne doit déterminer si une telle pratique constitue un transport indirect par le vendeur. La Cour juge que le vendeur est redevable des droits d’accise dans l’État de destination lorsqu’il guide le choix de l’acheteur vers des prestataires spécifiques. Cette décision repose sur l’analyse de la participation indirecte au transport et sur la primauté de la réalité économique de la transaction.

I. La caractérisation de la vente à distance par la participation indirecte au transport

A. L’extension de la notion d’expédition indirecte

L’article 36 de la directive 2008/118 soumet aux droits d’accise de l’État de destination les produits expédiés directement ou indirectement par le vendeur au profit d’un particulier. Le juge européen souligne que « cette disposition a été rédigée de façon à couvrir non seulement l’hypothèse où le vendeur exécute lui-même la prestation » mais également d’autres situations. L’usage du terme indirectement permet d’appréhender des montages logistiques où le vendeur ne prend pas physiquement en charge l’acheminement des marchandises vers le consommateur final. Cette interprétation large vise à prévenir le contournement des règles fiscales par la simple délégation de l’exécution matérielle du transport à un tiers.

B. Le guidage du choix de l’acheteur comme critère déterminant

La participation du vendeur est établie dès lors qu’il agit pour suggérer et faciliter le recours à des sociétés de transport déterminées sur son interface commerciale. Pour la Cour, le vendeur est redevable « lorsqu’il agit de manière à guider le choix de l’acheteur quant à la société chargée de l’expédition » des produits soumis à accise. La transmission automatique des informations relatives à la commande entre le site de vente et celui du transporteur renforce le constat d’une expédition organisée par le cédant. Cette facilitation technique démontre une implication active du vendeur dans le processus de livraison malgré l’apparente autonomie de la prestation de transport.

II. La prééminence de la réalité économique sur le formalisme contractuel

A. L’indifférence du fractionnement des relations contractuelles

L’existence de deux contrats distincts pour l’achat des biens et pour leur transport ne suffit pas à exclure la qualification de vente à distance par le vendeur. La Cour affirme que « la circonstance que l’acheteur a conclu deux contrats distincts […] est dépourvue de pertinence » pour apprécier la responsabilité fiscale de l’opérateur économique initial. Ce fractionnement juridique ne saurait masquer le lien fonctionnel créé par le vendeur entre la vente des boissons alcoolisées et leur acheminement transfrontalier effectif. L’unicité économique de l’opération prévaut donc sur la multiplicité des actes juridiques conclus par le consommateur final pour obtenir ses produits.

B. La consécration d’une approche objective des transactions transfrontalières

Cette interprétation extensive assure le respect du principe de territorialité fiscale en garantissant que l’impôt est acquitté dans l’État membre de la consommation réelle des produits. La solution consacre l’idée que « le législateur de l’Union est davantage intéressé par la nature objective des transactions que par la forme juridique qui leur est conférée » par les parties. En privilégiant la réalité économique, la jurisprudence empêche l’évasion fiscale par la mise en place de structures contractuelles artificielles visant à contourner les règles d’exigibilité des accises. La Cour confirme ainsi sa volonté de protéger les ressources fiscales des États membres face aux stratégies d’optimisation des vendeurs en ligne.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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