La Cour de justice de l’Union européenne a rendu cet arrêt le 19 juillet 2012 concernant l’interprétation du règlement relatif au certificat complémentaire de protection. Une demande de certificat complémentaire de protection a été introduite pour un médicament à usage humain contenant de la mélatonine comme principe actif unique. L’administration nationale a rejeté cette requête au motif qu’une autorisation de mise sur le marché avait été préalablement accordée pour un médicament vétérinaire. Le demandeur a alors exercé un recours devant la High Court of Justice of England and Wales, Chancery Division (Patents Court) afin de contester ce refus. Cette juridiction a décidé de surseoir à statuer pour interroger les juges européens sur la validité d’une telle éviction au regard du droit communautaire. Le litige porte principalement sur la possibilité d’obtenir un certificat de protection pour une application thérapeutique humaine nouvelle alors qu’un usage vétérinaire existait.
La question de droit posée aux juges consiste à savoir si l’existence d’une autorisation de mise sur le marché antérieure s’oppose à la délivrance d’un certificat. La Cour doit déterminer si le produit protégé par le brevet de base peut bénéficier d’une protection supplémentaire malgré une première autorisation pour un usage différent. Les juges répondent que la seule existence d’une autorisation vétérinaire préalable ne fait pas obstacle à la délivrance d’un certificat pour une nouvelle application thérapeutique. Cette solution repose sur l’inclusion de l’application revendiquée dans le champ de protection du brevet de base invoqué à l’appui de la demande. L’analyse portera d’abord sur l’ouverture du certificat aux nouvelles applications thérapeutiques avant d’envisager les modalités de détermination de la durée de cette protection.
I. L’ouverture du certificat complémentaire de protection aux nouvelles applications thérapeutiques
A. La primauté de la protection conférée par le brevet de base
Le règlement européen exige qu’un certificat ne soit délivré que si le produit est protégé par un brevet de base en vigueur lors de la demande. La Cour précise que « la seule existence d’une autorisation de mise sur le marché antérieure obtenue pour le médicament à usage vétérinaire ne s’oppose pas » au certificat. L’application nouvelle doit toutefois entrer « dans le champ de la protection conférée par le brevet de base invoqué » pour justifier cette mesure de protection exceptionnelle. Les juges privilégient ainsi l’objet de l’invention brevetée plutôt que la simple identité chimique du principe actif déjà présent dans un autre médicament. Par conséquent, la protection peut concerner une application humaine spécifique même si le même produit a déjà été autorisé pour un usage vétérinaire distinct.
B. Une interprétation téléologique favorable à l’innovation pharmaceutique
L’objectif fondamental du règlement est de compenser la durée nécessaire à l’obtention des autorisations administratives pour les médicaments issus de recherches longues et coûteuses. Les juges considèrent que l’interprétation stricte du texte nuirait à l’innovation en empêchant la protection de nouvelles découvertes sur des principes actifs connus. La décision souligne que le bénéfice du certificat doit être accordé dès lors que le produit bénéficie pour la première fois d’une protection brevetée spécifique. Ainsi, le droit européen protège l’effort de recherche lié à la nouvelle utilisation thérapeutique sans tenir compte des autorisations antérieures portant sur d’autres usages. Ce raisonnement assure une cohérence entre le droit des brevets et le régime de protection supplémentaire accordé par les autorités de l’Union européenne.
II. La redéfinition de la durée de protection et des conditions de délivrance
A. L’identification de l’autorisation de mise sur le marché pertinente
Le calcul de la durée du certificat dépend directement de la date de la première autorisation de mise sur le marché dans l’Union européenne. La Cour estime que l’article 13 du règlement « se réfère à l’autorisation de mise sur le marché d’un produit qui entre dans le champ de la protection ». Cette précision écarte les autorisations antérieures qui ne couvraient pas l’application thérapeutique revendiquée dans le cadre du brevet de base spécifiquement invoqué par l’inventeur. L’autorisation pertinente est celle qui permet pour la première fois la commercialisation du produit en tant que médicament sous la protection du titre de propriété industrielle. Dès lors, le point de départ du certificat est lié à l’exploitation effective de l’invention plutôt qu’à la première apparition du produit sur le marché.
B. La neutralité des modalités techniques d’autorisation administrative
La juridiction précise que la nature de la demande d’autorisation de mise sur le marché ne modifie pas les conditions de délivrance du certificat complémentaire. Les réponses aux questions posées « ne seraient pas différentes » si une demande complète avait été exigée conformément aux directives relatives aux médicaments à usage humain. Cette solution s’applique également lorsque le produit couvert par la première autorisation relevait du champ d’application de la protection d’un brevet appartenant à un tiers. La protection accordée reste centrée sur le lien étroit entre l’autorisation de mise sur le marché et le brevet de base dont se prévaut le demandeur. Cette approche renforce la sécurité juridique des titulaires de brevets en isolant chaque application protégée des aléas liés aux utilisations antérieures du même principe.