Cour de justice de l’Union européenne, le 19 juillet 2012, n°C-250/11

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 19 juillet 2012, un arrêt relatif à l’interprétation des notions de véhicule routier à moteur. Cette décision s’inscrit dans le cadre du régime communautaire des franchises douanières et de l’exonération de la taxe sur la valeur ajoutée pour les carburants importés. Une société de transport ferroviaire achetait régulièrement du gazole dans un État tiers pour ravitailler ses locomotives avant de franchir la frontière du territoire douanier commun. Les autorités douanières ont initialement toléré cette pratique sans déclaration avant d’opérer un redressement fiscal portant sur les droits d’accise et la taxe sur la valeur ajoutée. Un recours a été introduit devant la juridiction de renvoi qui a sollicité l’interprétation des dispositions européennes relatives aux exonérations de carburant pour les véhicules. Le problème de droit repose sur l’applicabilité des franchises douanières prévues pour les véhicules automobiles utilitaires aux locomotives circulant sur le réseau ferroviaire international. La Cour de justice juge que les règlements et directives en cause « doivent être interprétés en ce sens qu’ils ne s’appliquent pas à des locomotives ».

I. L’interprétation stricte des critères de la franchise douanière

A. La résolution des divergences linguistiques par la finalité du texte

L’article 112 du règlement de 1983 prévoit une franchise de droits pour le carburant contenu dans les réservoirs normaux des véhicules automobiles utilitaires importés. L’étude des différentes versions linguistiques révèle des disparités majeures puisque certains textes mentionnent uniquement la notion générale de véhicule à moteur sans précision géographique supplémentaire. La Cour rappelle que « les diverses versions linguistiques d’un texte de l’Union doivent être interprétées de façon uniforme » selon l’économie générale de la législation. Elle précise également que « les termes employés pour désigner les exonérations sont d’interprétation stricte » car ils constituent des dérogations au principe général de taxation. Cette rigueur sémantique impose de retenir la qualification de véhicule routier pour définir le champ d’application des mesures de faveur accordées lors des importations.

B. L’incompatibilité des caractéristiques techniques des locomotives avec l’exonération

L’objectif de la franchise consiste à faciliter le franchissement des frontières extérieures tout en allégeant les contrôles fiscaux pesant sur les autorités douanières nationales. La vérification systématique des réservoirs de la totalité des véhicules routiers entrant chaque jour sur le territoire représenterait une charge administrative et financière totalement démesurée. Les locomotives possèdent des réservoirs d’une capacité considérable pouvant atteindre sept mille litres tandis que leur nombre demeure très limité par rapport au trafic automobile. « La vérification systématique des réservoirs de locomotives ne présente pas les mêmes inconvénients » que celle des voitures ou des camions au regard des délais induits. L’exclusion des engins ferroviaires répond ainsi à la finalité de simplification voulue par le législateur européen sans nuire à la fluidité des échanges commerciaux.

II. La validation de la distinction entre les modes de transport

A. L’absence de violation du principe d’égalité de traitement

Le transporteur soutient que l’exclusion du secteur ferroviaire du bénéfice de la franchise douanière créerait une discrimination injustifiée par rapport au secteur du transport routier. Le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente à moins qu’une telle distinction soit objectivement fondée. La Cour de justice affirme toutefois que « les différents modes de transports ne sont pas, en général, interchangeables » au regard des contraintes techniques et structurelles. Les entreprises intervenant dans ces secteurs d’activité distincts ne se trouvent donc pas dans une situation juridique ou économique suffisamment comparable pour l’imposition. La différence de traitement est ici légitimée par les particularités des contrôles à la frontière et par les volumes de carburant transportés dans les réservoirs.

B. La préservation de la neutralité fiscale par une approche différenciée

La neutralité fiscale interdit de traiter de manière différente des prestations de services semblables qui se trouvent en concurrence directe sur un même marché géographique. Le juge européen considère que les locomotives ne se trouvent pas dans une situation similaire à celle des véhicules routiers au regard de l’objectif d’allégement. Les règles de franchissement des frontières doivent rester cohérentes avec les impératifs de protection des recettes fiscales des États membres et de l’Union européenne. Cette décision confirme que les privilèges liés aux réservoirs normaux ne peuvent être étendus par analogie à des engins lourds disposant de capacités de stockage importantes. Le régime des franchises douanières demeure ainsi strictement circonscrit aux véhicules automobiles pour préserver l’efficacité des contrôles douaniers sur le territoire de l’Union.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

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