La Cour de justice de l’Union européenne, par une décision du 19 juillet 2012, se prononce sur l’interprétation des régimes de franchises douanières et d’exonération fiscale. Un opérateur ferroviaire importait du carburant dans les réservoirs de locomotives depuis un État tiers sans s’acquitter des droits de douane et des taxes afférentes. Le service des douanes nationales a réclamé le paiement des sommes dues après avoir considéré que le régime de faveur ne s’appliquait pas au rail. La commission des litiges fiscaux de Lituanie a alors saisi la juridiction européenne d’une question préjudicielle pour clarifier la définition du véhicule routier à moteur. Le problème juridique repose sur l’éventuelle assimilation des locomotives aux véhicules automobiles utilitaires pour l’importation de carburant contenu dans des réservoirs normaux. Les juges décident que les dispositions communautaires relatives aux franchises ne s’appliquent pas aux engins de traction ferroviaire et rejettent ainsi toute extension.
I. L’interprétation finaliste du champ d’application des franchises
A. La prépondérance du critère routier dans la définition du véhicule
La Cour examine les divergences linguistiques des règlements pour définir la notion de véhicule automobile utilitaire au sens du droit de l’Union européenne. La majorité des versions qualifie l’engin de véhicule « routier », limitant ainsi la portée des textes aux seuls moyens de transport circulant sur route. L’uniformité d’interprétation impose de privilégier l’économie générale du texte lorsque certaines versions linguistiques omettent cette précision technique essentielle à la compréhension globale. Les juges rappellent que « les termes employés pour désigner les exonérations sont d’interprétation stricte » car elles dérogent au principe de perception générale des taxes.
B. L’exclusion des locomotives du bénéfice des exonérations fiscales
L’analyse téléologique confirme que l’admission en franchise vise exclusivement à faciliter le franchissement des frontières pour les flux importants de véhicules de tourisme. La juridiction précise que la vérification systématique des réservoirs routiers serait une tâche « quasi impossible » et démesurée au regard des montants en cause. Les locomotives disposent de réservoirs pouvant atteindre sept mille litres, ce qui différencie techniquement ces engins des véhicules automobiles utilitaires classiques visés par le texte. Le législateur européen a manifestement souhaité prévenir les inconvénients liés aux contrôles de masse en excluant les matériels dont le contrôle reste matériellement possible.
II. La conformité de l’exclusion aux principes généraux du droit
A. L’absence de comparabilité entre les modes de transport terrestre
Le principe d’égalité de traitement exige que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente sans justification objective de la part des autorités. La Cour rappelle toutefois que les différents modes de transports ne sont pas interchangeables et que les entreprises ferroviaires ne sont pas dans une situation identique. La neutralité fiscale s’oppose seulement à ce que des marchandises semblables en concurrence les unes avec les autres subissent un traitement différent du point de vue fiscal. Les caractéristiques intrinsèques du transport sur rail empêchent toute assimilation automatique avec le transport routier malgré leur finalité commune de déplacement de fret.
B. L’objectif de simplification administrative comme fondement de la distinction
La distinction opérée entre les catégories de véhicules repose sur des critères objectifs liés à l’efficacité des contrôles douaniers et fiscaux sur le territoire. Le faible nombre de locomotives franchissant régulièrement la frontière permet une surveillance rigoureuse sans engendrer de coûts disproportionnés pour l’administration ou pour l’opérateur concerné. La solution retenue préserve ainsi l’intégrité du système fiscal européen en évitant des détournements massifs de carburant importé sous couvert de simples réservoirs normaux. La Cour conclut que les textes ne s’appliquent pas aux locomotives et valide par conséquent la position restrictive adoptée par l’administration des douanes nationales.