Cour de justice de l’Union européenne, le 19 juillet 2012, n°C-264/11

Par un arrêt rendu le 3 mai 2012, la troisième chambre de la Cour de justice de l’Union européenne précise les conditions du contrôle de la preuve. Une amende fut infligée à des producteurs de raccords en cuivre pour leur participation à une entente occulte fixant les prix et répartissant les marchés. Saisi d’un recours, le Tribunal de l’Union européenne a réduit partiellement la durée de l’infraction mais a maintenu l’essentiel de la sanction pécuniaire initiale. Les entreprises ont formé un pourvoi devant la Cour en invoquant une dénaturation de preuves et une violation de leur droit à un recours effectif. La question posée concerne la capacité du juge à fonder sa conviction sur un faisceau d’indices et la conformité du système européen de concurrence. La Cour rejette le pourvoi en confirmant l’appréciation souveraine des faits par le Tribunal et la régularité de la procédure de contrôle juridictionnel.

I. La rigueur du contrôle de l’administration de la preuve

A. Le rejet d’une dénaturation manifeste des éléments factuels

Les requérantes soutenaient que le juge de première instance avait dénaturé une télécopie pour fixer le point de départ de leur participation à l’entente. La Cour rappelle fermement que le Tribunal est seul compétent pour constater et apprécier les faits ainsi que les éléments de preuve régulièrement obtenus. Elle précise qu’une « dénaturation des faits doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation ». En l’espèce, l’existence d’un point d’interrogation dans le document litigieux ne suffisait pas à rendre l’interprétation des juges manifestement erronée ou contradictoire. L’incertitude éventuelle portait uniquement sur les modalités d’application des prix et non sur la réalité de la concertation prohibée par le droit de l’Union.

B. La validation de la méthode du faisceau d’indices concordants

Le pourvoi critiquait également la valeur probante accordée aux déclarations des entreprises ayant sollicité la clémence lors de l’enquête de la Commission européenne. La Cour juge que l’appréciation globale d’un ensemble de preuves ne constitue pas une question de droit soumise à son contrôle, hors cas de dénaturation. Elle souligne que « l’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel doit être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer la preuve ». Les juges du fond peuvent donc légitimement s’appuyer sur des documents fragmentaires rédigés au moment des faits pour corroborer des témoignages plus tardifs. Cette approche protège l’efficacité de la lutte contre les ententes clandestines sans sacrifier les exigences de la charge de la preuve.

II. La préservation de l’architecture du contrôle juridictionnel

A. L’irrecevabilité des moyens nouveaux relatifs aux droits fondamentaux

Les entreprises invoquaient pour la première fois devant la Cour une violation de la Charte des droits fondamentaux et de la Convention européenne de sauvegarde. Elles contestaient la concentration des pouvoirs d’enquête et de sanction entre les mains d’une seule institution administrative pour des amendes au caractère pénal. La Cour rejette ces arguments car une partie ne saurait modifier l’objet du litige en soulevant des moyens qu’elle n’a pas présentés auparavant. Elle rappelle qu’un pourvoi « est limité aux questions de droit » et doit se fonder sur les arguments débattus devant les premiers juges du fond. Cette règle de procédure garantit la sécurité juridique et la fonction spécifique du juge de cassation dans l’ordre juridique de l’Union européenne.

B. La conformité du système de sanction au droit à un recours effectif

Les requérantes affirmaient que le contrôle exercé par le juge sur les décisions de sanction était trop limité pour satisfaire aux exigences du procès équitable. La Cour écarte ce grief en rappelant que le Tribunal dispose d’une compétence de pleine juridiction pour réformer le montant des amendes infligées par l’administration. Ce pouvoir permet aux juges de substituer leur propre appréciation à celle de l’institution et d’examiner toutes les questions de fait ou de droit. Un tel régime « satisfait aux exigences de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH » car il offre un recours effectif devant un tribunal indépendant et impartial. L’arrêt confirme ainsi la validité du modèle répressif européen face aux standards internationaux de protection des droits de la défense et des entreprises.

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Hassan KOHEN
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