Cour de justice de l’Union européenne, le 19 juin 2018, n°C-181/16

La Cour de justice de l’Union européenne, statuant en Grande Chambre le 19 juin 2018, précise les modalités d’articulation entre les procédures d’asile et de retour. Un ressortissant d’un pays tiers sollicite une protection internationale, mais l’autorité administrative compétente rejette sa demande à l’issue d’une première phase d’examen. L’administration notifie alors immédiatement une obligation de quitter le territoire, alors que l’intéressé dispose encore d’un délai pour exercer un recours juridictionnel. La juridiction de renvoi interroge la Cour sur la conformité de cette pratique avec les exigences du droit à un recours effectif et du non-refoulement. La juridiction européenne juge que l’adoption d’une mesure de retour est possible dès le rejet administratif, à condition que ses effets soient totalement suspendus.

I. La validité du constat de séjour irrégulier dès le rejet administratif de l’asile

A. La cessation du droit au maintien sur le territoire national

La Cour souligne que le demandeur d’asile dispose d’une autorisation provisoire de séjour limitée au temps de l’instruction administrative de sa demande initiale. Selon les juges, « le droit de rester prévu à cette disposition prend fin avec l’adoption de la décision de premier ressort rejetant la demande ». L’irrégularité du séjour se trouve donc constituée dès que l’autorité responsable rend son verdict négatif, sans attendre l’issue des voies de recours. L’autorisation de demeurer sur le territoire durant la phase juridictionnelle ne suffit pas à conférer un titre de séjour régulier au sens de la directive. Le séjour devient irrégulier car l’étranger ne remplit plus les conditions de résidence prévues par la réglementation générale de l’État membre concerné.

B. La recherche d’une efficacité administrative par le cumul des décisions

L’interprétation retenue favorise une gestion administrative fluide en autorisant le regroupement des décisions portant sur la fin du séjour et l’obligation de retour. Cette faculté permet aux autorités nationales « d’assurer la concomitance, voire le regroupement, des procédures administratives » afin d’accélérer l’éloignement futur des demandeurs déboutés. Une solution inverse retarderait considérablement l’enclenchement de la procédure de retour, rendant la mise en œuvre de la politique migratoire européenne plus complexe. Le droit de l’Union n’impose donc pas d’attendre la clôture définitive du contentieux de l’asile pour constater l’illégalité de la présence sur le territoire. Cette approche pragmatique concilie les nécessités de l’ordre public avec le cadre juridique protecteur des libertés individuelles des ressortissants étrangers.

II. La préservation de l’effet utile du recours par la suspension du retour

A. L’exigence de neutralisation des effets juridiques de l’obligation de quitter le territoire

L’adoption précoce d’un ordre de retour doit impérativement s’accompagner d’une neutralisation complète de ses conséquences néfastes pour le requérant encore engagé dans un recours. La Cour exige que la contestation du rejet de l’asile soit « revêtue d’un effet suspensif de plein droit » devant une instance juridictionnelle compétente. Cette protection impose à l’administration de suspendre non seulement l’exécution forcée, mais également l’ensemble des effets juridiques attachés à la décision de renvoi. Par conséquent, le délai imparti pour un départ volontaire ne peut légalement commencer à courir tant que le juge n’a pas définitivement statué. La rétention administrative à des fins d’éloignement demeure également proscrite durant toute cette période de protection juridictionnelle jugée indispensable par les juges.

B. La garantie des droits matériels et de l’examen des circonstances nouvelles

Pendant l’attente de la décision judiciaire, l’intéressé conserve le bénéfice des normes minimales relatives aux conditions d’accueil prévues pour les demandeurs de protection. Il doit pouvoir jouir de ses droits fondamentaux tant que sa situation n’a pas été « définitivement tranchée » par une autorité revêtue de l’autorité de chose jugée. Les États membres ont aussi l’obligation de permettre au ressortissant étranger de « se prévaloir de tout changement de circonstances intervenu après l’adoption » du retour. Un nouvel examen s’impose si des éléments inédits impactent l’évaluation du risque de refoulement ou la protection de la vie privée du demandeur. La procédure doit rester transparente afin de garantir que l’intéressé comprenne parfaitement l’étendue des garanties dont il bénéficie durant cette phase transitoire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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