Cour de justice de l’Union européenne, le 19 juin 2025, n°C-509/23

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 16 janvier 2025, précise les obligations de vigilance incombant aux entités assujetties à la lutte antiblanchiment. Un opérateur de jeux d’argent a fourni des services à un client dont les données avaient été collectées par une autre société appartenant au même groupe économique. L’autorité de surveillance a sanctionné cette pratique en considérant que l’entité aurait dû mener une enquête autonome sur l’origine des revenus de ce parieur. Le litige a été porté devant le tribunal administratif de district de Lettonie le 18 juillet 2022 qui a décidé d’interroger le juge européen par voie préjudicielle. La société requérante soutient qu’elle pouvait utiliser les informations du groupe alors que l’autorité administrative exige une évaluation individuelle et indépendante de chaque situation. La question posée concerne la définition des personnes étroitement associées aux personnalités publiques et la validité du partage automatique de données au sein d’une structure intégrée. La juridiction répond qu’aucun lien d’association n’est automatique et que la responsabilité de la vigilance demeure personnelle malgré la circulation des informations entre les filiales. L’analyse de cette décision portera sur l’individualisation nécessaire des obligations de vigilance (I) avant d’envisager la rigueur temporelle et matérielle des contrôles préventifs (II).

I. L’individualisation nécessaire de l’obligation de vigilance à l’égard de la clientèle

A. L’appréciation circonstanciée du lien avec une personne politiquement exposée

La Cour examine d’abord si l’appartenance commune à l’organe exécutif d’une association suffit à caractériser un lien étroit avec une personne exerçant des fonctions publiques importantes. Elle affirme qu’une personne physique ne peut être ainsi qualifiée « au seul motif que ces deux personnes sont membres de l’organe exécutif d’une même association ». Cette solution impose aux professionnels de réaliser une analyse concrète des faits afin de déceler un risque réel d’utilisation du système financier à des fins illicites. Le juge européen refuse une application automatique de la norme qui stigmatiserait de manière excessive l’entourage des titulaires de fonctions publiques dans les États membres. L’existence d’une relation au sein d’une structure associative constitue néanmoins une circonstance pertinente devant être intégrée dans l’évaluation globale des risques par l’entité assujettie.

B. L’exigence d’une évaluation autonome au sein des groupes de sociétés

Le droit européen impose aux États membres d’autoriser le partage d’informations au sein d’un même groupe pour faciliter la détection de transactions suspectes ou frauduleuses. Toutefois, cet échange de données « n’exempte pas l’entité assujettie concernée de sa responsabilité d’exercer son devoir de vigilance à l’égard de la clientèle ». L’opérateur ne peut donc pas se fonder uniquement sur une décision hiérarchique prise par une société tierce pour valider le maintien d’une relation d’affaires. Chaque entreprise doit conserver une autonomie d’appréciation pour adapter ses mesures de sécurité aux risques spécifiques qu’elle rencontre durant son activité commerciale propre. L’exigence d’une évaluation personnalisée au sein des groupes de sociétés s’accompagne d’un encadrement strict du calendrier et des modalités matérielles de l’exécution des vérifications.

II. La rigueur temporelle et matérielle des mesures de contrôle préventives

A. L’actualisation conditionnelle du suivi des relations d’affaires existantes

La juridiction précise les conditions dans lesquelles les mesures de vigilance doivent être actualisées pour les clients qui sont déjà connus de l’entité professionnelle assujettie. Le prestataire n’est pas tenu d’intervenir tant que les délais légaux n’ont pas expiré ou qu’aucune circonstance nouvelle n’a été portée à sa connaissance effective. Cette dispense de vérification immédiate suppose toutefois que « l’absence d’identification de ces circonstances ne soit pas due à des défaillances dans le contrôle continu permanent ». Le juge recherche un équilibre entre l’efficacité de la surveillance financière et la limitation des contraintes administratives pesant sur les acteurs du marché intérieur. La vigilance doit ainsi rester réactive et proportionnée à l’évolution de la situation du client sans pour autant imposer une révision quotidienne des dossiers stables.

B. Le caractère systématique du seuil de vigilance dans le secteur des jeux

L’obligation de vigilance s’applique de manière impérative dès que le seuil de deux mille euros est atteint lors de transactions réalisées dans le secteur des jeux. La Cour souligne que cette mesure s’impose « chaque fois que […] le montant de la transaction concernée est égal ou supérieur à 2000 euros ». Aucune période de référence ni aucun contrôle antérieur ne permettent d’écarter cette exigence matérielle lors de la collecte des gains ou de l’engagement des mises. Cette interprétation stricte garantit l’intégrité du système financier en assurant une traçabilité permanente des flux de fonds importants au sein de l’espace économique européen. La lutte contre le blanchiment de capitaux impose une rigueur mathématique qui ne laisse aucune place à l’appréciation subjective de l’opérateur sur la répétition des opérations.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture