Cour de justice de l’Union européenne, le 19 mai 2022, n°C-569/20

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 19 mai 2022, apporte des précisions essentielles sur le droit d’assister à son procès. Une juridiction pénale bulgare l’interrogeait sur la compatibilité d’une procédure par défaut avec les garanties de la directive 2016/343 lorsqu’un accusé se soustrait à la justice. Cette décision s’inscrit dans un contexte où un individu, initialement informé des poursuites, a disparu avant le déclenchement de la phase juridictionnelle de son procès. Le juge national souhaitait savoir si le droit à une réouverture du dossier devait être maintenu pour une personne dont la localisation demeure impossible. La Cour devait déterminer si la fuite délibérée de l’intéressé permet de le priver du droit à un nouveau procès après une condamnation par défaut. La réponse apportée valide la tenue du procès en l’absence de l’accusé tout en conditionnant strictement la perte de ses voies de recours ultérieures.

I. L’encadrement européen de la procédure pénale par défaut

A. La protection du droit fondamental d’assister à son procès

L’article 8 de la directive 2016/343 impose aux États membres de veiller au respect du « droit d’assister à son procès » pour tout accusé. Ce principe constitue un élément central du droit à un procès équitable tel que protégé par l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux. La Cour souligne que cette garantie n’est pas absolue mais son éviction nécessite des conditions précises afin d’éviter tout arbitraire durant l’instance. Le texte prévoit que le prévenu doit être informé officiellement de la date et du lieu fixés pour l’audience afin de préparer sa défense. Cette information doit être délivrée en temps utile pour permettre une participation effective de l’intéressé ou de son avocat aux débats judiciaires.

B. Le principe du droit à un nouvel examen du fond

L’article 9 de la même directive prévoit que toute personne condamnée par défaut conserve, en principe, le droit à « un nouveau procès ». Cette voie de droit doit permettre une nouvelle appréciation du fond de l’affaire en présence de l’intéressé pour garantir la réalité du contradictoire. La Cour précise que cette disposition possède un effet direct et peut être invoquée par les justiciables devant les autorités nationales compétentes. Le juge européen considère que l’accès à ce recours est indispensable lorsque les conditions d’information préalable prévues à l’article 8 n’ont pas été remplies. Cette garantie protège les individus contre les conséquences d’une procédure dont ils n’auraient pas eu connaissance malgré l’exercice de diligences normales.

II. La déchéance du droit à un nouveau procès pour le prévenu fugitif

A. La caractérisation d’une renonciation non équivoque

La Cour admet qu’un accusé peut renoncer à son droit d’assister à l’audience de manière expresse ou par un comportement tacite dénué d’ambiguïté. Cette renonciation est établie lorsque l’intéressé, bien que dûment informé, choisit délibérément de ne pas comparaître devant la juridiction saisie de son cas. La décision mentionne que l’individu doit être considéré comme ayant « renoncé volontairement et de manière non équivoque » à l’exercice de ses droits procéduraux essentiels. Une telle situation autorise l’État à exécuter une décision de condamnation sans obligation de proposer une réouverture ultérieure du dossier pénal. Le droit européen cherche ici un équilibre entre la protection de la défense et l’impératif de bonne administration de la justice criminelle.

B. L’exigence d’indices objectifs de soustraction à la justice

La privation du droit à un nouveau procès repose sur l’existence d’« indices précis et objectifs » démontrant l’intention de l’accusé de fuir. La Cour cite l’exemple de la communication volontaire d’une adresse erronée ou l’absence de signalement d’un changement de domicile aux autorités chargées de l’enquête. Il appartient à la juridiction nationale de vérifier si le prévenu a empêché officiellement la remise des informations relatives à la tenue du procès. Cette recherche de l’intention délibérée évite que la simple impossibilité de localiser une personne ne suffise à supprimer définitivement ses garanties juridiques fondamentales. Le juge doit ainsi apprécier la diligence des autorités publiques pour informer l’intéressé face à la mauvaise foi manifeste de ce dernier.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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