Cour de justice de l’Union européenne, le 19 mars 2015, n°C-286/13

    La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 19 mars 2015, une décision fondamentale relative au droit des pratiques anticoncurrentielles. Le litige opposait des sociétés importatrices de fruits à l’autorité administrative de l’Union suite à une sanction pécuniaire pour entente. L’administration reprochait aux opérateurs des communications bilatérales hebdomadaires portant sur des facteurs de tarification et des tendances de prix. Le Tribunal de l’Union européenne avait rejeté le recours en annulation par une décision rendue le 14 mars 2013. Les requérantes ont alors formé un pourvoi devant la Cour de justice en invoquant diverses erreurs de droit et de procédure. Elles soutenaient notamment que de simples discussions sur des tendances n’étaient pas constitutives d’une restriction de la concurrence par objet. La question posée portait sur la capacité d’échanges d’informations portant sur des facteurs de prix à éliminer l’incertitude du marché. La Cour confirme la solution précédente en estimant que la concertation sur les prix de référence fausse les conditions normales de concurrence.

I. La qualification rigoureuse de la pratique concertée par l’objet

A. Le critère de la nocivité intrinsèque de l’échange d’informations

    La juridiction souligne que certains comportements collusoires présentent un degré suffisant de nocivité pour dispenser l’autorité de l’examen de leurs effets. Elle rappelle que « certains types de coordination entre entreprises révèlent un degré suffisant de nocivité à l’égard de la concurrence ». L’analyse doit s’attacher aux objectifs visés ainsi qu’au contexte économique et juridique dans lequel s’insère la pratique litigieuse. L’échange d’informations entre concurrents est prohibé dès lors qu’il atténue ou supprime l’incertitude quant au fonctionnement réel du marché. Une telle concertation est jugée anticoncurrentielle lorsqu’elle permet de prévoir les modalités d’adaptation du comportement que les opérateurs vont mettre en œuvre.

B. L’indifférence du lien indirect avec les prix de vente finaux

    L’arrêt précise que la notion de pratique concertée n’exige pas un lien direct entre la collusion et les prix payés par les consommateurs. La protection de la structure du marché et de la concurrence en tant que telle constitue l’objectif premier des règles de l’Union. Les juges affirment qu’une « pratique concertée peut avoir un objet anticoncurrentiel bien qu’elle n’ait pas de lien direct avec les prix à la consommation ». La coordination portant sur les prix de référence influence nécessairement les prix réels négociés ultérieurement avec les clients et les distributeurs. L’incertitude du marché se trouve réduite par la connaissance mutuelle des intentions des parties avant l’établissement des tarifs hebdomadaires.

II. La validation de la responsabilité au sein de l’unité économique

A. L’assise du calcul de la sanction sur le chiffre d’affaires global

    La Cour confirme l’application du principe de l’unité économique pour imputer la responsabilité et calculer le montant de la sanction pécuniaire. La notion d’entreprise désigne toute entité exerçant une activité économique indépendamment de son statut juridique ou de son mode de financement habituel. Il est précisé que « cette notion doit être comprise comme désignant une unité économique constituée de plusieurs personnes physiques ou morales ». L’autorité peut donc inclure les ventes réalisées par des filiales non directement impliquées dans l’infraction constatée par l’administration. Le chiffre d’affaires provenant des produits faisant l’objet de l’entente reflète la puissance économique réelle de l’auteur de la pratique.

B. La limitation stricte de l’exception relative au double comptage

    Le rejet du pourvoi consacre également une interprétation rigoureuse des modalités de calcul de l’amende afin de préserver son caractère dissuasif. Les requérantes alléguaient une double prise en compte de certaines ventes réalisées entre des entités du groupe et des tiers. Les juges considèrent que les ventes effectuées auprès d’entreprises non destinataires de la décision initiale contribuent légitimement au chiffre d’affaires global. L’exclusion du double comptage ne s’applique qu’aux transactions opérées entre les seuls membres ayant participé activement à l’entente sanctionnée. La Cour valide ainsi la méthode de calcul employée par l’institution en soulignant l’absence d’erreur de droit dans l’appréciation des faits.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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