Cour de justice de l’Union européenne, le 19 novembre 2020, n°C-93/19

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 19 novembre 2020, un arrêt fondamental concernant les garanties procédurales des agents de l’administration européenne. Cette décision précise l’étendue du droit d’être entendu avant l’adoption d’une mesure de licenciement pour inaptitude physique par une institution ou un organe.

Un agent a fait l’objet d’une procédure de licenciement suite à une expertise médicale concluant à son inaptitude permanente pour l’exercice de ses fonctions. L’intéressé n’a pas pu présenter ses observations sur le projet de licenciement avant l’adoption finale de la mesure administrative par son employeur public.

Le Tribunal de l’Union européenne a annulé la décision initiale le 25 juin 2019 dans un jugement portant la référence T-600/17 lors du recours. L’institution a formé un pourvoi devant la Cour de justice en invoquant une erreur de droit concernant les obligations de l’autorité investie du pouvoir.

Le juge européen devait décider si l’audition de l’agent s’impose lors de la phase finale malgré l’existence d’un examen médical technique et spécialisé. La Cour rejette le pourvoi et souligne l’autonomie de la phase de décision administrative par rapport aux actes préparatoires de nature purement médicale.

L’analyse de cette décision suppose d’étudier la confirmation du droit à une procédure contradictoire avant d’envisager les conséquences juridiques de l’omission de cette formalité.

**I. La confirmation du droit à une procédure contradictoire préalable**

**A. L’exigence du respect des droits de la défense**

Le droit d’être entendu constitue une composante essentielle du principe général de respect des droits de la défense ancré dans l’ordre juridique de l’Union. La Cour rappelle que ce droit garantit à toute personne la possibilité de faire connaître utilement son point de vue lors d’une procédure administrative.

Cette garantie s’applique impérativement « avant qu’une mesure individuelle qui l’affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre » selon les termes de la Charte. L’administration ne peut se dispenser de cette étape formelle en se fondant uniquement sur le caractère technique des constatations médicales effectuées par les experts.

**B. La nature de l’acte faisant grief au fonctionnaire**

La décision de licenciement est l’acte juridique qui modifie de manière sensible la situation de l’agent en rompant son lien contractuel avec le service. Elle se distingue nettement des actes préparatoires comme l’avis rendu par un médecin conseil lors de l’instruction d’un dossier par les services.

L’intéressé doit pouvoir contester la véracité des faits ainsi que la légalité de la mesure envisagée par l’autorité disposant du pouvoir de nomination. Le respect de ce formalisme assure que l’administration dispose de tous les éléments pertinents pour rendre une décision équitable et parfaitement informée en droit.

L’examen du fondement de ce droit fondamental permet de mieux appréhender la sanction prononcée par les juges européens face à l’irrégularité de la procédure.

**II. Les conséquences juridiques de l’omission procédurale**

**A. L’invalidité du licenciement pour vice de forme**

L’absence d’audition préalable de l’agent constitue une violation d’une forme substantielle qui entraîne l’annulation de l’acte administratif dès lors qu’il porte grief. Le juge considère que l’omission procédurale vicie la décision finale indépendamment du bien-fondé des motifs médicaux ayant conduit à la proposition du licenciement.

La Cour souligne que l’agent aurait pu avancer des arguments susceptibles d’influencer le contenu de l’acte si la parole lui était donnée par l’administration. Cette exigence de légalité externe protège les administrés contre les décisions automatiques prises sans examen contradictoire des circonstances individuelles propres à chaque espèce.

**B. La portée de la protection des droits individuels**

Cette jurisprudence renforce la sécurité juridique des agents de l’Union européenne en imposant un standard élevé de protection face aux pouvoirs de l’administration. La solution adoptée par la Cour de justice confirme que le droit d’être entendu s’applique de manière générale à tout acte individuel défavorable.

Les institutions doivent veiller à intégrer systématiquement cette phase de consultation directe avant de clore tout processus de licenciement pour des raisons d’inaptitude. Cette décision assure la prééminence des principes fondamentaux sur les considérations de célérité administrative ou de spécialisation technique des services de l’Union européenne.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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