La Cour de justice de l’Union européenne, dans un arrêt rendu le 12 septembre 2024, s’est prononcée sur l’étendue des droits politiques des citoyens européens. Un recours en manquement fut introduit par une institution contre un État membre en raison de sa législation nationale restreignant l’adhésion aux partis politiques. La loi réservait effectivement cette faculté aux seuls nationaux, excluant ainsi les citoyens de l’Union résidant dans cet État sans en posséder la nationalité propre. L’institution requérante considérait que cette interdiction entravait l’exercice effectif du droit de vote et d’éligibilité garanti par les traités européens lors des scrutins locaux. L’État défendeur soutenait pour sa part que l’organisation interne des partis relevait de son identité nationale et de ses compétences souveraines exclusives. La question posée aux juges consistait à déterminer si le droit de suffrage implique nécessairement le droit d’adhérer à une formation politique nationale. La Cour juge qu’en refusant aux résidents étrangers « le droit de devenir membre d’un parti politique ou d’un mouvement politique », l’État a failli. L’étude de cette décision impose d’analyser d’abord l’interprétation extensive du droit de participation électorale puis d’apprécier la protection accrue de la citoyenneté européenne.
I. Une interprétation finaliste du droit de participation électorale
La Cour fonde son raisonnement sur la nécessité d’assurer l’effet utile des droits garantis par l’article 22 du Traité sur le fonctionnement de l’Union.
A. Le lien nécessaire entre adhésion partisane et effectivité du suffrage
Le juge européen affirme que les citoyens de l’Union doivent exercer leurs droits électoraux dans les mêmes conditions que les ressortissants de l’État de résidence. L’interdiction d’adhérer à un parti place les citoyens non-nationaux dans une situation de désavantage manifeste par rapport aux candidats possédant la nationalité locale. Les partis politiques jouent un rôle prépondérant dans le système démocratique en offrant les ressources nécessaires à une candidature sérieuse et visible lors des scrutins. Une restriction de l’adhésion limite drastiquement les chances de succès électoral et réduit la participation politique à un acte purement formel et privé de substance. La Cour consacre ainsi un lien indissociable entre l’exercice du mandat électif et l’appartenance à une structure collective capable de porter un programme politique cohérent.
B. Le constat d’un manquement fondé sur la discrimination par la nationalité
L’État membre a commis un manquement en maintenant des dispositions législatives qui créent une discrimination directe fondée sur la nationalité entre les résidents européens. Le refus du « droit de devenir membre d’un parti politique ou d’un mouvement politique » constitue une violation caractérisée des obligations issues du droit primaire. L’argument relatif à la protection de l’identité nationale n’a pas été retenu car la participation aux élections locales ne menace pas l’ordre constitutionnel fondamental. Les juges soulignent que l’intégration des citoyens européens dans leur État de résidence constitue un objectif central du processus d’unification porté par les traités. Le manquement est établi puisque la législation litigieuse empêche une assimilation complète des résidents étrangers dans la vie publique et politique de leur commune d’accueil.
II. Le renforcement de l’intégration par le statut de citoyen européen
Cette solution renforce la dimension politique de la citoyenneté européenne en limitant l’autonomie institutionnelle des États membres dans le domaine électoral spécifique.
A. La primauté de l’égalité de traitement sur l’autonomie institutionnelle
L’arrêt souligne que la citoyenneté de l’Union a vocation à devenir le statut fondamental des ressortissants des États membres, impliquant une égalité de droits réels. Le principe d’égalité de traitement interdit toute mesure nationale susceptible de rendre plus difficile l’accès aux fonctions électives pour les citoyens mobiles au sein de l’Union. La décision apporte une précision majeure en incluant les structures de soutien politique dans le champ d’application des garanties électorales prévues par le droit dérivé. Cette protection dépasse la simple interdiction des discriminations directes pour s’étendre aux conditions matérielles et organisationnelles permettant de peser réellement sur le débat public. La valeur de cette jurisprudence réside dans sa capacité à transformer un droit théorique en une liberté politique concrète et opérationnelle pour chaque résident européen.
B. La consécration d’une dimension politique élargie pour le résident mobile
Bien que l’organisation des partis relève de la compétence étatique, l’exercice de cette prérogative ne doit pas porter atteinte aux objectifs de l’Union européenne. La Cour impose une limite aux États membres qui ne peuvent plus invoquer leur souveraineté pour écarter durablement des citoyens européens de la vie partisane. La portée de l’arrêt est significative car elle oblige plusieurs pays à réformer leur arsenal législatif pour se conformer aux exigences de non-discrimination européenne. Cette évolution jurisprudentielle préfigure une harmonisation accrue des conditions de participation démocratique afin de favoriser le sentiment d’appartenance à une communauté politique supranationale unique. La décision assure enfin que la mobilité géographique des citoyens ne se traduise jamais par une diminution injustifiée de leur capacité d’influence au niveau local.