La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 19 octobre 2016, examine la conformité d’une réglementation nationale imposant des prix fixes.
Une organisation d’entraide a instauré un système de bonus pour l’acquisition de médicaments auprès d’une pharmacie par correspondance établie dans un autre État membre.
Une association luttant contre la concurrence déloyale a sollicité la cessation de cette pratique devant les juridictions civiles de l’État membre de consommation.
Le Landgericht Düsseldorf a fait droit à cette demande, incitant l’organisation d’entraide à interjeter appel devant l’Oberlandesgericht Düsseldorf pour contester cette injonction.
La juridiction de second degré s’interroge sur la compatibilité de l’imposition de prix uniformes avec l’interdiction des mesures d’effet équivalent aux restrictions quantitatives.
Elle sollicite la Cour pour déterminer si une telle mesure peut être justifiée par la nécessité de garantir un approvisionnement en médicaments sur tout le territoire.
La Cour de justice affirme que cette réglementation constitue une entrave non justifiée par la protection de la santé et de la vie des personnes humaines.
I. La caractérisation d’une entrave aux échanges intracommunautaires
A. L’existence d’une mesure d’effet équivalent à une restriction quantitative
L’article 34 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne prohibe les mesures nationales susceptibles d’entraver directement ou indirectement les importations entre les États membres.
Une réglementation instaurant des prix de vente uniformes pour les médicaments soumis à prescription médicale relève de cette interdiction fondamentale du droit de l’Union.
La Cour rappelle que l’entrave est constituée par « toute mesure des États membres susceptible d’entraver directement ou indirectement, actuellement ou potentiellement, les importations ».
Bien que la mesure s’applique indistinctement aux produits nationaux et importés, elle affecte plus lourdement l’accès au marché des opérateurs économiques situés à l’étranger.
B. Le caractère discriminatoire de l’imposition de prix uniformes
Les pharmacies traditionnelles disposent d’un réseau physique permettant de fournir des conseils personnalisés et d’assurer des services d’urgence au profit de la clientèle locale.
À l’inverse, les pharmacies par correspondance établies dans d’autres États membres utilisent principalement l’outil numérique pour atteindre directement les consommateurs du marché national visé.
La Cour souligne que « Internet serait un moyen plus important pour les pharmacies qui ne sont pas établies sur le territoire allemand d’atteindre ledit marché ».
La concurrence par les prix représente un paramètre vital pour ces officines étrangères qui ne peuvent compenser l’absence de proximité par des services physiques.
L’imposition de prix fixes prive ces opérateurs de leur principal levier concurrentiel et gêne ainsi davantage l’importation de produits en provenance d’autres pays membres.
II. L’échec de la justification par des impératifs de santé publique
A. Le défaut d’aptitude de la mesure à assurer l’approvisionnement
L’article 36 du Traité permet de déroger à la libre circulation des marchandises pour des motifs tenant à la protection de la vie humaine.
L’État membre invoquait la nécessité de maintenir un réseau de pharmacies de proximité, notamment dans les zones rurales, pour garantir un approvisionnement de qualité.
La juridiction européenne estime cependant qu’une telle restriction doit être propre à garantir la réalisation de l’objectif légitime sans excéder les limites nécessaires.
L’argumentation développée n’établit pas en quoi l’imposition de prix uniformes permet d’assurer une meilleure répartition géographique des pharmacies sur l’ensemble du territoire national.
B. L’absence de preuves tangibles sur les risques sanitaires allégués
L’existence d’un risque réel pour la santé humaine doit être démontrée par des recherches scientifiques pertinentes plutôt que par des considérations d’ordre général.
Les autorités nationales n’ont pas prouvé qu’une concurrence par les prix entraînerait la disparition des services essentiels ou une dégradation de la sécurité sanitaire.
La Cour observe que « la protection efficace de la santé et de la vie des personnes exige, notamment, que les médicaments soient vendus à des prix raisonnables ».
Une concurrence tarifaire pourrait au contraire profiter aux patients en leur permettant d’acquérir des traitements nécessaires à des conditions économiques plus favorables qu’actuellement.
L’absence de données statistiques ou d’analyses précises conduit les juges à rejeter la justification tirée de la santé publique faute de proportionnalité démontrée.