Cour de justice de l’Union européenne, le 19 septembre 2019, n°C-95/18

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 23 avril 2015, un arrêt portant sur la protection sociale des travailleurs migrants.

Un travailleur résidant dans un État membre exerçait son activité habituelle sur le territoire d’un autre État membre de l’Union européenne. Ce dernier était soumis à la législation de sécurité sociale de l’État d’emploi conformément aux dispositions du règlement communautaire alors en vigueur. Cependant, l’intéressé n’avait acquis aucun droit à une pension de vieillesse ou aux allocations familiales dans cet État membre d’accueil. Le litige s’est noué lorsque l’État de résidence a refusé toute couverture sociale tout en imposant parfois des conditions d’assurance strictes. Le Centrale Raad van Beroep a alors interrogé la Cour sur la compatibilité de ces pratiques avec le principe de libre circulation des travailleurs. La problématique juridique repose sur la possibilité pour l’État de résidence d’imposer des cotisations obligatoires malgré l’absence de compétence législative. La Cour affirme que l’État de résidence ne peut exiger de cotisations mais n’est pas non plus obligé de pallier les carences d’assurance. L’analyse de cette solution exige d’étudier d’abord l’unicité de la législation applicable avant d’examiner l’interdiction des entraves imposées par l’État de résidence.

I. La consécration de l’unicité de la législation sociale applicable

A. La détermination de l’État d’emploi comme unique législation compétente

La Cour rappelle le principe fondamental selon lequel le travailleur migrant est exclusivement soumis à la législation sociale de l’État membre d’emploi. Ce mécanisme évite les cumuls de législations nationales et garantit une sécurité juridique indispensable à la mobilité des citoyens européens. L’article 13 du règlement 1408/71 désigne la compétence de l’État d’exercice de l’activité pour l’ensemble des branches de la protection sociale. Cette exclusivité empêche les autres États membres de réclamer une affiliation concurrente qui pourrait nuire à l’efficacité du marché intérieur.

B. L’absence d’obligation de couverture subsidiaire par l’État de résidence

Le juge précise que le droit de l’Union n’oblige pas l’État de résidence à fournir une assurance sociale au travailleur migrant. Les articles 45 et 48 TFUE « ne s’opposent pas à une législation d’un État membre » privant le résident de protection sociale. Cette solution s’applique même si la législation compétente « ne confère à ce travailleur aucun droit à une pension ou aux allocations familiales ». Le respect de l’unicité législative prime ainsi sur l’éventuelle absence de prestations effectives dans le système de l’État membre d’emploi. Toutefois, cette liberté de l’État de résidence connaît des limites strictes concernant les exigences financières imposées au travailleur.

II. L’interdiction des entraves financières imposées par l’État de résidence

A. La prohibition du conditionnement de la pension à une obligation d’assurance

L’arrêt interdit à l’État de résidence de subordonner le droit à une pension au paiement de cotisations sociales par le travailleur migrant. Le règlement « s’oppose à ce qu’un État membre […] conditionne l’octroi d’un droit à une pension […] à une obligation d’assurance ». Cette exigence impliquerait le versement de cotisations obligatoires à un État qui n’est pas reconnu compétent par le droit de l’Union. Une telle pratique constitue une charge injustifiée qui pèse sur le travailleur et compromet l’exercice réel de sa liberté de circulation.

B. La préservation de la libre circulation face aux prélèvements injustifiés

La Cour de justice protège les revenus des travailleurs en empêchant les prélèvements sociaux redondants ou illégitimes dans l’État de résidence. La désignation d’une législation compétente unique interdit tout prélèvement obligatoire supplémentaire fondé sur des critères de résidence ou d’assurance nationale. Cette protection renforce la confiance des citoyens dans le système européen de coordination des régimes de sécurité sociale. La solution adoptée assure un équilibre entre le respect de la compétence étatique et la suppression des obstacles financiers à la mobilité.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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