Cour de justice de l’Union européenne, le 19 septembre 2024, n°C-391/21

Appelée à se prononcer sur la validité d’une décision administrative relative au régime de pension d’un ancien député, la Cour de justice de l’Union européenne a rendu son arrêt le 25 septembre 2025. Un ancien membre d’une institution européenne contestait le refus de cette dernière de lui accorder une pension de retraite complémentaire selon les modalités qu’il jugeait applicables à sa situation. Ce litige portait essentiellement sur l’interprétation des dispositions transitoires liées à l’entrée en vigueur du statut des députés et sur le respect des droits acquis.

Le requérant avait initialement saisi le Tribunal de l’Union européenne d’un recours en annulation contre la décision de l’institution rejetant sa demande de liquidation de pension. Par un arrêt rendu précédemment, le Tribunal avait rejeté le recours, estimant que l’administration avait correctement appliqué les règles de droit en vigueur. Mécontent de cette issue, l’ancien député a formé un pourvoi devant la Cour de justice afin d’obtenir l’annulation de la décision de première instance. Il invoquait principalement une erreur de droit dans l’interprétation du régime de pension et une violation du principe de protection de la confiance légitime.

La question de droit soulevée consistait à déterminer si un ancien député peut exiger le maintien des conditions d’octroi d’une pension complémentaire prévues par un régime national antérieur malgré l’adoption de nouvelles règles uniformes. Il s’agissait de savoir si les garanties offertes par les dispositions transitoires s’étendaient aux modalités de calcul les plus favorables issues des législations nationales ou si elles se limitaient aux droits strictement définis par le nouveau statut. La Cour devait ainsi arbitrer entre la protection des attentes des administrés et l’objectif d’harmonisation des statuts au sein des institutions de l’Union.

Dans sa décision, la Cour de justice de l’Union européenne rejette le pourvoi et confirme la solution retenue par le Tribunal. Elle considère que l’institution n’a commis aucune erreur en appliquant les nouvelles conditions de liquidation, car celles-ci s’imposent de manière uniforme à tous les anciens membres dès leur entrée en vigueur. L’arrêt précise que « le pourvoi est rejeté » et condamne le requérant aux dépens. Cette solution repose sur une lecture stricte des textes européens qui encadrent désormais de manière exhaustive les prestations sociales des élus.

I. La primauté d’un régime statutaire uniforme sur les attentes individuelles

A. L’interprétation rigoureuse des dispositions transitoires

La Cour souligne que le nouveau statut des députés a instauré un cadre juridique autonome qui remplace les divers régimes nationaux existant auparavant pour les membres de l’institution. Les dispositions transitoires prévues lors de cette réforme visent à préserver les droits déjà cristallisés sans pour autant pérenniser des avantages qui ne seraient plus conformes à l’intérêt général. En affirmant la validité du refus opposé au requérant, les juges confirment que le droit à une pension complémentaire est strictement subordonné aux critères définis par le législateur de l’Union.

L’arrêt démontre une volonté claire de rompre avec la fragmentation des situations juridiques héritée des anciennes pratiques administratives. Le juge rappelle que les règles de transition doivent être interprétées de manière restrictive afin de ne pas vider de sa substance la réforme globale du statut des élus. Cette approche garantit une égalité de traitement entre tous les anciens membres, indépendamment de leur État d’origine ou de la date de leur premier mandat. La solution retenue valide ainsi la substitution du régime européen aux prérogatives nationales antérieures.

B. L’encadrement strict du principe de confiance légitime

Le requérant soutenait que la modification des conditions de liquidation de sa pension portait atteinte à sa confiance légitime dans le maintien d’un régime plus favorable. La Cour rejette cet argument en rappelant que nul ne peut invoquer un droit acquis au maintien d’une réglementation qui, par nature, peut évoluer selon les besoins du service. Pour que la confiance légitime soit reconnue, l’administration doit avoir fourni des assurances précises et inconditionnelles, ce qui n’était pas démontré dans le cas d’espèce.

Cette position renforce la capacité des institutions à adapter leurs règles budgétaires et sociales face aux évolutions économiques contemporaines. Le juge estime que la protection des intérêts financiers de l’Union constitue un motif légitime de modification des prestations de vieillesse des anciens députés. En l’absence d’une violation flagrante de droits déjà liquidés, le pouvoir réglementaire dispose d’une marge de manœuvre étendue pour réorganiser les systèmes de prévoyance. La sécurité juridique ne s’oppose donc pas à une réforme structurelle des avantages sociaux des membres.

II. La consolidation de l’autonomie administrative des institutions européennes

A. La validation de la discrétionnaire de l’institution

Le rejet du pourvoi confirme la validité de la méthode de calcul employée par l’institution pour déterminer le montant des droits à pension. La Cour valide l’analyse selon laquelle l’administration est tenue de respecter scrupuleusement les textes financiers adoptés par le bureau de l’institution concernée. Cette décision rappelle que les organes de direction disposent d’une compétence propre pour organiser le fonctionnement interne et la gestion du personnel politique. Le contrôle juridictionnel se limite alors à vérifier l’absence d’erreur manifeste d’appréciation ou de détournement de pouvoir.

L’arrêt souligne l’importance de la hiérarchie des normes au sein de l’ordre juridique de l’Union en faisant primer les décisions budgétaires sur les aspirations individuelles. En déclarant que « le requérant est condamné à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par l’institution », la Cour marque la fin de la contestation judiciaire sur ce point. Cette condamnation aux frais de l’instance illustre le caractère infondé des griefs articulés contre une pratique administrative désormais stabilisée. La gestion des pensions complémentaires échappe ainsi aux revendications fondées sur des particularismes locaux.

B. La portée de la décision sur la pérennité des systèmes de retraite

Cette jurisprudence assure une protection renforcée de l’équilibre financier des régimes de retraite gérés par les institutions européennes. En refusant d’étendre les garanties transitoires au-delà du texte littéral des règlements, la Cour prévient une dérive des coûts liés aux anciens mandats. Elle confirme que l’harmonisation des statuts est un processus irréversible qui ne souffre que de très rares exceptions. La décision de la Cour de justice constitue donc un signal fort envoyé aux autres membres potentiellement concernés par des situations analogues.

L’influence de cet arrêt se fera sentir sur l’ensemble des futurs contentieux relatifs aux droits sociaux des agents et élus de l’Union. Il fixe une limite claire aux actions fondées sur l’analogie avec les systèmes nationaux de sécurité sociale. La Cour réaffirme que l’Union constitue un ordre juridique intégré dont les prestations sociales sont régies par des principes propres. Cette autonomie conceptuelle permet aux institutions de piloter leurs réformes administratives avec une sécurité accrue face aux risques de contestations individuelles systématiques.

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Hassan KOHEN
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