Cour de justice de l’Union européenne, le 2 avril 2020, n°C-384/19

Par un arrêt du 6 octobre 2025, la Cour de justice de l’Union européenne a sanctionné un État membre pour ne pas avoir respecté plusieurs obligations découlant de la directive 2007/60/CE relative à l’évaluation et à la gestion des risques d’inondation. En l’espèce, la Commission européenne avait engagé un recours en manquement, reprochant à cet État de ne pas avoir, d’une part, établi, publié et notifié les plans de gestion des risques d’inondation pour sept de ses districts hydrographiques et, d’autre part, de ne pas avoir mené la consultation du public requise pour trois de ces districts. La procédure a opposé la Commission, en sa qualité de gardienne des traités, à l’État membre défendeur, qui n’a manifestement pas fourni de justifications suffisantes pour ses retards. La question de droit posée à la Cour était donc de déterminer si l’omission de se conformer aux obligations de planification et de consultation dans les délais fixés par la directive constituait un manquement imputable à l’État membre. La Cour y a répondu par l’affirmative en constatant le manquement dans les termes mêmes du recours de la Commission. Cette décision, qui sanctionne une défaillance caractérisée dans la mise en œuvre matérielle et procédurale du droit de l’Union (I), réaffirme avec fermeté la portée contraignante des normes européennes en matière de protection de l’environnement (II).

I. La double défaillance de l’État membre dans l’application de la directive

La Cour de justice sanctionne l’État membre sur deux fondements distincts mais complémentaires, révélant à la fois un manquement aux obligations de fond prévues par la directive (A) et une violation des exigences procédurales qui en sont le corollaire indispensable (B).

A. Le manquement aux obligations substantielles de planification

La directive 2007/60/CE impose aux États membres une obligation de résultat claire, consistant à élaborer des plans de gestion des risques d’inondation pour assurer un niveau de protection élevé. En l’espèce, la Cour constate que l’État mis en cause n’a pas satisfait à cette exigence pour plusieurs districts hydrographiques. Elle relève que le Royaume d’Espagne « en n’ayant pas, dans le délai prescrit, établi, publié et notifié à la Commission européenne les plans de gestion des risques d’inondation […] a manqué aux obligations lui incombant en vertu de l’article 7, paragraphes 1 et 5 ». Le raisonnement de la Cour repose sur une application objective du droit de l’Union, où la simple constatation de l’absence du résultat prescrit à l’expiration du délai suffit à caractériser le manquement. Les éventuelles difficultés administratives ou internes rencontrées par l’État ne sauraient en principe justifier un tel manquement, la directive liant les États membres quant au résultat à atteindre. La décision souligne ainsi que l’établissement de ces plans constitue le cœur même du dispositif préventif voulu par le législateur européen.

B. La violation des obligations procédurales de consultation

Au-delà de l’obligation matérielle de planification, la Cour sanctionne également le non-respect d’une formalité procédurale essentielle à la gouvernance environnementale. La directive prévoit en effet une participation active du public à l’élaboration des plans de gestion. La Cour note à ce titre que l’État membre « en n’ayant pas mené à bien, dans le délai prescrit, l’information et la consultation du public sur l’élaboration des plans […] a manqué aux obligations lui incombant en vertu de l’article 10, paragraphes 1 et 2, de cette directive ». Cette condamnation démontre que la consultation publique n’est pas une simple formalité accessoire, mais bien une condition substantielle de la légalité et de la légitimité de l’action administrative en matière environnementale. En omettant cette étape, l’État membre prive la directive d’une partie de son effet utile, qui est de garantir une prise de décision transparente et inclusive. La Cour réaffirme par conséquent que les garanties procédurales participent pleinement à la réalisation des objectifs fixés par le droit de l’Union.

II. La portée d’une solution classique en contentieux du manquement

Bien que prévisible sur le plan juridique, cette décision de condamnation n’en demeure pas moins importante par sa portée, en ce qu’elle rappelle le principe d’effectivité qui gouverne le droit de l’Union (A) tout en confirmant la force obligatoire des échéances fixées par les directives (B).

A. L’affirmation de l’effectivité des directives environnementales

Cet arrêt illustre de manière topique le rôle de la procédure en manquement, prévue à l’article 258 du Traité sur le fonctionnement de l’Union européenne, comme un instrument fondamental pour assurer l’application effective et uniforme du droit de l’Union. En condamnant l’État membre, la Cour de justice veille à ce que les dispositions d’une directive environnementale ne restent pas lettre morte. La solution garantit que les objectifs de protection contre les inondations, jugés d’intérêt commun, soient poursuivis de manière homogène sur l’ensemble du territoire de l’Union. La décision a donc une valeur pédagogique, rappelant à tous les États membres que les normes européennes, une fois adoptées, doivent être scrupuleusement transposées et mises en œuvre. Elle confirme que la finalité protectrice de la législation environnementale prime sur les contraintes administratives nationales et que la Cour n’hésite pas à sanctionner toute inertie qui compromettrait cette finalité.

B. Le rappel de la force contraignante des délais de mise en œuvre

La condamnation de l’État membre pour non-respect des délais impartis souligne avec force le caractère impératif des échéances fixées dans les actes de droit dérivé. La mention récurrente de l’expression « dans le délai prescrit » dans les motifs de l’arrêt n’est pas anodine ; elle signifie que le temps est un élément essentiel de l’obligation. En matière de gestion des risques naturels, tout retard dans la planification est susceptible d’avoir des conséquences dommageables concrètes et d’exposer les populations à un danger accru. La décision, bien qu’étant une décision d’espèce portant sur des districts hydrographiques spécifiques, réaffirme un principe général du droit de l’Union : les délais de transposition et de mise en œuvre ne sont pas indicatifs mais constituent des obligations juridiques à part entière, dont la violation est constitutive d’un manquement. Cette jurisprudence constante est un pilier de la sécurité juridique et de la confiance mutuelle entre les États membres et les institutions européennes.

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Hassan KOHEN
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