La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt rendu le 6 octobre 2025, précise l’interprétation de la directive relative aux pratiques commerciales déloyales. Un consommateur a adhéré à un contrat d’assurance-vie à capital variable lié à un fonds de placement par l’intermédiaire d’une entreprise tierce preneuse d’assurance. Les documents contractuels rédigés par l’assureur étaient si opaques que l’adhérent n’a pu mesurer la réalité des risques financiers engagés lors de sa souscription.
Le litige a conduit la juridiction de renvoi à interroger le juge européen sur la responsabilité de l’assureur et sur les sanctions civiles de cette opacité. Le demandeur sollicitait l’annulation de son engagement en invoquant le caractère trompeur de la présentation des mécanismes de structuration du produit financier complexe proposé initialement. La question posée portait sur la qualification de pratique commerciale déloyale résultant de la rédaction d’un contrat type incompréhensible pour un consommateur moyen.
La Cour juge que l’impossibilité de comprendre la structuration du produit constitue une pratique déloyale imputable à l’entreprise d’assurance rédactrice du contrat collectif type proposé. Elle précise que le droit de l’Union ne s’oppose pas à ce que le juge national prononce l’annulation du contrat conclu sous l’influence de ce procédé. L’arrêt permet d’analyser l’identification d’une pratique déloyale liée à l’opacité du contrat d’assurance-vie avant d’étudier la sanction de ce manquement par la nullité.
I. L’identification d’une pratique déloyale liée à l’opacité du contrat d’assurance-vie
A. Le manquement à l’obligation de transparence sur les risques du fonds de placement L’article 3 de la directive 2005/29 exige une information claire sur la nature des engagements financiers souscrits par les consommateurs lors d’une opération d’assurance. La Cour souligne que la rédaction d’un contrat ne permettant pas de « comprendre la nature et la structuration du produit d’assurance » caractérise une pratique déloyale. Cette exigence de transparence s’étend spécifiquement aux risques financiers qui pourraient affecter le capital variable investi dans les fonds de placement de l’assureur. Le juge européen protège ainsi le consentement de l’adhérent en sanctionnant l’illisibilité des mécanismes contractuels complexes qui masquent la réalité des pertes possibles.
B. L’imputabilité de la pratique déloyale à l’entreprise d’assurance rédactrice La juridiction européenne précise que l’entreprise d’assurance doit être tenue pour « responsable de cette pratique commerciale déloyale » malgré l’intervention d’un intermédiaire preneur. L’assureur ne peut s’exonérer de ses obligations légales en déléguant la phase de proposition commerciale à une entité tierce lors de la souscription. La responsabilité repose sur l’auteur de la rédaction du contrat collectif type car il définit seul le contenu informationnel délivré au futur assuré. Cette imputation directe garantit l’efficacité de la directive en liant la faute au professionnel qui maîtrise la conception technique du produit d’assurance-vie. L’établissement d’une responsabilité pour pratique déloyale ouvre nécessairement la voie à l’examen des remèdes juridiques dont dispose le consommateur pour contester l’acte.
II. La sanction de la pratique déloyale par la nullité du contrat d’assurance
A. La compatibilité de l’annulation contractuelle avec le droit de l’Union La directive laisse aux États membres le soin de définir les sanctions applicables aux contrats conclus sous l’empire d’une pratique commerciale manifestement trompeuse. Le juge européen précise que l’article 3 « ne s’oppose pas à une interprétation du droit national » permettant de solliciter la nullité de la convention. Cette faculté offerte aux juridictions internes assure une protection patrimoniale concrète aux victimes d’un manque de loyauté lors de la formation du contrat. L’annulation permet d’effacer les effets d’un engagement financier vicié en rétablissant les parties dans leur situation antérieure à la signature des documents litigieux. La validation de cette sanction civile s’inscrit dans un objectif plus large visant à garantir l’efficacité réelle des droits conférés aux citoyens européens.
B. Le renforcement de l’effectivité de la protection du consommateur L’article 13 de la directive impose l’adoption de sanctions proportionnées et dissuasives pour assurer un niveau élevé de protection des intérêts des consommateurs. La reconnaissance de la nullité contractuelle renforce l’effet utile des règles de protection en dissuadant les assureurs de recourir à des clauses trop complexes. Le consommateur bénéficie ainsi d’un recours efficace pour se libérer d’un placement financier dont les dangers réels ont été dissimulés par le rédacteur. Cette jurisprudence harmonise les standards de probité commerciale au sein du marché unique tout en respectant l’autonomie procédurale des différents États membres concernés.