Cour de justice de l’Union européenne, le 2 juin 2016, n°C-31/15

La Cour de justice de l’Union européenne, en sa huitième chambre, rejette le pourvoi formé contre une décision du Tribunal ayant validé des droits antidumping. Ce litige porte sur la légalité d’un règlement d’exécution instituant des taxes sur les importations d’articles en céramique pour la table et la cuisine. Une société exportatrice contestait l’inclusion de certains produits dans le champ de l’enquête initiale en invoquant des erreurs d’appréciation commises par les institutions européennes compétentes. Elle critiquait également l’analyse du préjudice subi par l’industrie de l’Union au regard d’une enquête pour entente alors menée par une autorité nationale de la concurrence. La juridiction de première instance avait pourtant écarté l’ensemble des moyens tendant à l’annulation de la mesure de défense commerciale prise par les autorités de l’Union. Le juge d’appel doit déterminer si la subsistance de certains facteurs d’inclusion suffit à valider la définition du produit malgré l’existence d’une erreur factuelle partielle. Il convient alors d’analyser la pertinence des critères retenus pour définir le produit similaire avant d’étudier la validité de la détermination du préjudice économique subi.

I. La validation de la définition du produit malgré l’erreur d’appréciation partielle

IA. La primauté de l’utilisation finale sur la similitude visuelle des marchandises

Le juge considère que l’inclusion d’un produit dans une enquête antidumping repose sur un faisceau de facteurs dont la pertinence varie selon les circonstances de l’espèce. L’institution avait retenu que les produits en cause étaient « visiblement identiques à d’autres articles de table non sublimés » pour justifier leur intégration dans la catégorie taxée. Le Tribunal a censuré ce motif en jugeant que la ressemblance visuelle était sans pertinence dès lors que les catégories générales ne présentaient aucune similitude esthétique. Cependant, il a été souligné que la requérante n’avait pas démontré que l’« utilisation finale » des produits différait substantiellement de celle des autres articles de cuisine. Cette convergence fonctionnelle permet de maintenir le produit dans le champ d’application de la mesure de défense commerciale malgré l’absence de ressemblance physique immédiate et manifeste. La Cour confirme ainsi que l’interchangeabilité des produits sur le marché européen constitue le critère déterminant pour qualifier l’existence d’un dumping causant un préjudice grave.

IB. Une charge de la preuve proportionnée pesant sur la partie requérante

La contestation de la légalité d’un règlement impose à l’exportateur de démontrer que l’erreur commise par l’administration a vicié l’ensemble du raisonnement économique de la décision. La requérante prétendait qu’il suffisait d’établir l’inexactitude de deux facteurs sur trois pour obtenir l’exclusion automatique de ses produits du champ d’application des droits. La Cour rejette cette vision simpliste en rappelant qu’il lui « incombait en effet de prouver que l’institution avait effectué une appréciation erronée » pour chaque facteur déterminant. Le juge d’appel valide le raisonnement du Tribunal qui s’est fondé sur la persistance de critères valides pour rejeter la demande d’annulation de l’acte attaqué. Dès lors que l’utilisation finale et la concurrence directe sont établies, l’erreur sur la ressemblance visuelle ne saurait suffire à invalider la qualification du produit. Cette exigence probatoire garantit la stabilité des actes administratifs complexes lorsque leur fondement économique global demeure solide et cohérent malgré une imprécision factuelle isolée.

II. La stabilité de l’évaluation du préjudice face aux facteurs économiques tiers

IIA. L’absence d’influence automatique des enquêtes concurrentielles en cours

L’existence d’une enquête nationale sur des pratiques restrictives de concurrence ne saurait constituer un facteur connu obligeant les institutions à modifier leur appréciation du préjudice subi. La requérante soutenait que l’ouverture d’une procédure par une autorité nationale de la concurrence aurait dû conduire les services de l’Union à écarter le lien de causalité. La Cour précise toutefois que les autorités « ne pouvaient dès lors pas, lors de leur examen, considérer comme un facteur connu les futurs résultats de cette enquête ». Le règlement de base exige en effet que la détermination du préjudice se fonde sur des « éléments de preuve positifs » et comporte un « examen objectif » de la situation. Une simple procédure pendante ne présente pas le degré de certitude nécessaire pour remettre en cause les indicateurs macroéconomiques et microéconomiques collectés par la Commission. La neutralité de l’enquête antidumping est ainsi préservée contre les allégations non étayées par des décisions fermes et définitives issues d’autres autorités de régulation.

IIB. Le maintien d’un contrôle juridictionnel limité sur les appréciations complexes

Le contrôle du juge européen sur les mesures de défense commerciale reste limité à la vérification de l’exactitude matérielle des faits et à l’absence d’erreur manifeste. L’appréciation de situations économiques complexes suppose une large marge de manœuvre pour les institutions, ce qui restreint l’étendue de l’examen opéré par la juridiction de légalité. La requérante invoquait une dénaturation des preuves concernant l’impact des pratiques anticoncurrentielles suspectées sur les prix et la rentabilité de l’industrie de l’Union européenne. La Cour estime cependant que le Tribunal a exercé un contrôle conforme en vérifiant que les indicateurs microéconomiques « n’avaient pas été affectés par les pratiques examinées » au moment des faits. Le refus d’ordonner une mesure d’instruction concernant l’identité des producteurs de l’échantillon ne constitue pas une erreur de droit dès lors que l’analyse est suffisante. Ce cadre jurisprudentiel confirme la primauté de l’expertise administrative dans la gestion des instruments de protection commerciale face aux contestations purement procédurales des opérateurs économiques.

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Hassan KOHEN
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