La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 2 juin 2016, une décision fondamentale relative à la taxation des produits énergétiques. Le litige portait sur la compatibilité d’une réglementation nationale avec le droit de l’Union concernant les conditions d’application des taux d’accise réduits. Une entité a commercialisé du fioul léger pour le chauffage mais a omis de transmettre les relevés des acheteurs dans le délai légal. L’administration a appliqué le taux des carburants, huit fois supérieur, bien que la destination réelle du combustible ne fasse aucun doute sérieux. Le tribunal administratif de voïvodie de Wroclaw a alors interrogé la Cour sur la proportionnalité d’une telle mesure au regard des objectifs européens. La juridiction luxembourgeoise affirme que les formalités administratives ne doivent pas occulter la réalité matérielle de l’opération économique soumise à l’impôt.
I. La légitimité des mécanismes nationaux de contrôle des produits énergétiques
A. La reconnaissance d’une obligation de déclaration conforme au droit de l’Union
La Cour examine d’abord si l’obligation de déposer un relevé mensuel des déclarations des acquéreurs respecte le cadre juridique de la directive 2003/96. Elle souligne que ce dispositif constitue « un instrument de contrôle ayant pour objectif la prévention de l’évasion et de la fraude fiscales ». En l’absence de précisions dans la directive sur les mesures de lutte contre la fraude, les États membres conservent une compétence résiduelle certaine. Cette exigence formelle permet une analyse préliminaire des données pour identifier d’éventuels détournements de destination des produits pétroliers soumis à des taxes différenciées.
B. L’exercice du pouvoir d’appréciation des États membres dans la mise en œuvre fiscale
Le droit de l’Union accorde une marge d’appréciation aux autorités nationales pour définir les politiques adaptées à leur contexte et leurs nécessités propres. La Cour juge que l’imposition d’un délai pour soumettre les relevés des acheteurs ne revêt pas un caractère manifestement excessif ou déraisonnable. Une telle mesure est considérée comme appropriée pour garantir l’efficacité des contrôles sans imposer une charge administrative insurmontable aux opérateurs économiques concernés. Toutefois, cette autonomie procédurale rencontre des limites impératives dès lors que les conséquences juridiques d’un manquement formel affectent la substance du droit.
II. L’encadrement des sanctions fiscales par le principe de proportionnalité
A. Le principe de taxation selon l’utilisation réelle des combustibles
L’économie générale de la directive repose sur une distinction nette entre les carburants et les combustibles selon le critère de leur usage effectif. La Cour rappelle que « les produits énergétiques sont taxés en fonction de leur utilisation réelle » pour assurer le bon fonctionnement du marché intérieur. L’application automatique d’un taux de taxation plus élevé pour un simple retard administratif méconnaît donc la finalité profonde du texte législatif européen. Dès lors que la destination de chauffage est établie, le niveau de taxation doit correspondre à la nature matérielle de la transaction réalisée.
B. L’exclusion des sanctions automatiques en l’absence de risque de fraude
La juridiction précise qu’infliger un taux huit fois supérieur à l’accise normale va au-delà de ce qui est nécessaire pour prévenir l’évasion fiscale. Une telle pratique « se heurte à l’économie générale et à la finalité de la directive » quand aucune intention frauduleuse n’est imputable à l’assujetti. Si les États peuvent sanctionner l’inobservation des délais par des amendes, ils ne sauraient remettre en cause le bénéfice du taux réduit mérité. La proportionnalité impose de distinguer l’erreur de forme de la volonté de contourner l’impôt pour maintenir une justice fiscale cohérente et équilibrée.