L’arrêt rendu par la Cour de justice de l’Union européenne le 2 mai 2019 traite du droit des clients finals à recevoir gratuitement leurs factures d’énergie. Une entreprise de vente d’électricité a instauré une réduction mensuelle sur les frais d’accès au réseau pour les usagers préférant la facturation électronique. Estimant que cette pratique imposait indirectement un coût aux autres clients, une autorité de régulation nationale a ordonné la cessation de cette mesure tarifaire. La société a contesté cette décision devant une juridiction nationale, laquelle a sollicité l’interprétation du droit de l’Union par voie de question préjudicielle. Le litige opposait la vision stricte de la gratuité à une approche incitative favorisant la transition numérique dans le secteur énergétique. La juridiction de renvoi demande si l’article 11, paragraphe 1, de la directive 2012/27 interdit une telle différence de traitement tarifaire entre les modes de facturation. La Cour de justice répond que cette disposition ne s’oppose pas à une réduction accordée aux seuls clients utilisant la voie électronique. L’analyse de la décision permet d’aborder d’abord la portée de l’obligation de gratuité avant d’envisager la validité des mesures d’incitation économique.
I. La portée strictement délimitée de l’obligation de gratuité
A. Une lecture textuelle respectueuse de la liberté commerciale
La Cour rappelle que les États membres veillent à ce que « les clients finals reçoivent sans frais toutes leurs factures et les informations relatives à la facturation ». Cette formulation claire impose seulement la gratuité de l’acte de facturation sans limiter les modalités globales de tarification du service. Dès lors que l’envoi de la facture n’est pas facturé, la gratuité requise par le texte européen demeure parfaitement respectée par le fournisseur. Le juge refuse ainsi d’étendre l’interdiction de frais au-delà de la prestation de communication de l’information de consommation.
B. La promotion des finalités de la directive sur l’efficacité énergétique
Le droit de l’Union cherche à « donner davantage les moyens au client final d’accéder aux informations découlant de la mesure et de la facturation ». La facture électronique permet de rendre ces informations plus accessibles et fréquentes, contribuant ainsi aux objectifs de régulation de la consommation individuelle. La mesure incitative étudiée sert donc l’efficacité énergétique en encourageant des modes de communication modernes et performants pour les usagers. Cette interprétation textuelle et finaliste de la norme européenne permet d’évaluer la légalité des avantages financiers octroyés par les fournisseurs.
II. La légitimité d’une différenciation tarifaire incitative
A. L’exclusion de la qualification de contournement de la règle
Les juges observent que les clients n’ayant pas opté pour le support électronique paient un montant inchangé pour l’accès au réseau d’électricité. La réduction ne peut donc pas être considérée « comme étant un paiement effectif imposé aux autres clients finals » ou comme un contournement illicite. L’existence préalable des frais d’accès et leur stabilité pour les autres catégories de consommateurs démontrent l’absence de frais déguisés pour le papier. Ainsi, l’avantage accordé à une catégorie d’abonnés ne constitue pas une charge supplémentaire pour ceux qui conservent un mode de réception traditionnel.
B. La reconnaissance des intérêts de rationalisation administrative
L’entreprise doit pouvoir disposer de moyens pour « encourager les clients finals à accepter plus aisément les modifications de leurs habitudes de facturation ». La réduction tarifaire constitue un levier légitime pour diminuer les coûts administratifs globaux tout en respectant les exigences minimales du droit européen. Cette solution assure un équilibre entre la protection du consommateur vulnérable et la liberté d’organisation économique des fournisseurs d’énergie. La validité de la réduction repose sur sa nature de bonus facultatif plutôt que sur une pénalité imposée à l’usager.