Une fondation chargée de la gestion d’une appellation d’origine protégée a engagé une action contre une société commercialisant des fromages non conformes au cahier des charges. Ces produits présentaient des étiquettes avec un chevalier, un cheval et des moulins, éléments visuels associés à la région géographique de l’appellation. Le Tribunal Supremo d’Espagne a décidé, par une décision du dix-sept octobre deux mille dix-sept, de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne. Cette demande de décision préjudicielle porte sur l’interprétation de l’article treize du règlement cinq cent dix deux mille six relatif aux indications géographiques. La juridiction nationale souhaite savoir si des signes figuratifs peuvent évoquer une dénomination protégée et comment définir le consommateur moyen dans ce cadre précis. La Cour de justice de l’Union européenne, par son arrêt du deux mai deux mille dix-neuf, précise l’étendue de la protection contre toute évocation parasitaire. L’extension du concept d’évocation aux éléments visuels précède l’analyse des critères d’appréciation centrés sur la perception du public.
I. L’extension du concept d’évocation aux éléments visuels
A. L’assimilation des signes figuratifs à l’évocation textuelle
La Cour affirme que « l’évocation d’une dénomination enregistrée est susceptible d’être produite par l’emploi de signes figuratifs » au sens du droit de l’Union. Cette interprétation rompt avec une approche strictement littérale pour privilégier la protection de la dénomination enregistrée contre toute forme d’association mentale illicite. En effet, les juges soulignent que la notion d’évocation recouvre une situation où le signe utilisé par le producteur déclenche immédiatement l’image du produit protégé. Des éléments visuels rappelant l’aire géographique suffisent désormais à caractériser une atteinte aux droits conférés par l’enregistrement de l’appellation d’origine. Cette interdiction de l’évocation figurative s’applique indépendamment de la localisation géographique réelle du producteur des marchandises litigieuses.
B. L’absence d’immunité liée à la localisation géographique du producteur
L’arrêt précise que « l’utilisation de signes figuratifs évoquant l’aire géographique à laquelle est liée une appellation d’origine » constitue une évocation prohibée par le règlement. Cette règle s’applique même si le producteur est établi dans la région mais fabrique des produits qui ne sont pas couverts par l’appellation. La proximité géographique ne justifie en aucun cas l’emploi de symboles susceptibles de tromper le public sur la qualité réelle de la marchandise. La Cour limite ainsi la possibilité pour des acteurs locaux de capter indûment la notoriété d’une dénomination sans en respecter les contraintes techniques. Cette protection des signes visuels conduit alors à définir les modalités de perception de l’évocation par le consommateur.
II. Les critères d’appréciation centrés sur la perception du public
A. La définition spatiale du consommateur moyen normalement informé
La Cour définit la « notion de consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé » en intégrant une dimension géographique et culturelle essentielle. Cette perception doit faire « référence aux consommateurs européens, y compris aux consommateurs de l’État membre dans lequel est fabriqué le produit » litigieux. Le juge national doit donc tenir compte de la proximité historique du public local avec les symboles utilisés sur les étiquettes des produits. Cette méthode permet une protection efficace des dénominations ancrées dans une identité régionale spécifique tout en maintenant un standard de protection européen. L’harmonisation de l’appréciation du consommateur garantit ainsi une défense uniforme de l’intégrité du système des appellations d’origine.
B. La portée de la protection unifiée des dénominations européennes
Cette décision renforce l’intégrité du système européen de protection des appellations d’origine face aux techniques de commercialisation de plus en plus sophistiquées. En incluant les signes figuratifs, la Cour empêche les producteurs de contourner la réglementation par de simples suggestions visuelles de l’origine géographique protégée. L’arrêt garantit par conséquent que le prestige d’une appellation demeure réservé aux seuls produits respectant scrupuleusement les exigences de qualité définies. Cette jurisprudence confirme le haut niveau de protection des consommateurs recherché par le législateur européen sur l’ensemble du territoire de l’Union.