Cour de justice de l’Union européenne, le 2 mai 2019, n°C-694/17

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 2 mai 2019, une décision portant sur l’interprétation de la notion de consommateur. Le litige concernait un prêt d’un montant supérieur à un million d’euros souscrit par une résidente islandaise auprès d’un établissement bancaire luxembourgeois. Ce contrat visait l’acquisition d’actions au sein de la société employant l’emprunteuse alors qu’une clause attribuait compétence aux juridictions du Luxembourg. La Cour d’appel de Luxembourg a confirmé l’incompétence des tribunaux luxembourgeois par un arrêt rendu en date du 27 avril 2016. La Cour de cassation luxembourgeoise a été saisie d’un pourvoi portant sur l’incidence des seuils financiers prévus par une directive sectorielle. La juridiction de renvoi demande si le plafond de soixante-quinze mille euros limite la protection offerte par l’article 15 de la convention. La Cour de justice affirme que le montant du crédit n’influence pas la qualification de consommateur au sens de l’instrument de compétence. L’examen de cette solution nécessite d’étudier l’indépendance de la notion de consommateur avant d’analyser l’autonomie de la protection juridictionnelle.

I. L’indépendance de la notion de consommateur au regard de la convention de Lugano II

A. L’interprétation autonome des finalités protectrices

La Cour rappelle que la convention de Lugano II doit faire l’objet d’une interprétation convergente avec les règlements de l’Union européenne. Le juge souligne que l’article 15 de cette convention vise « l’ensemble des contrats, quel que soit leur objet », s’ils lient un consommateur. Cette approche privilégie la finalité de l’acte juridique plutôt que son importance financière ou la nature spécifique de la prestation fournie. La notion de consommateur se définit par l’usage étranger à l’activité professionnelle habituelle de la personne physique signataire de l’engagement. Cette qualification repose exclusivement sur la situation des parties lors de la conclusion du contrat de prêt litigieux entre les intéressés.

B. La distinction opérée entre l’harmonisation matérielle et les règles de compétence

La juridiction européenne distingue les objectifs de la directive relative au crédit aux consommateurs de ceux fixés par la convention internationale. La directive prévoit une harmonisation du droit matériel pour assurer un niveau équivalent de protection des intérêts économiques des emprunteurs européens. À l’inverse, la convention de Lugano II fixe uniquement les règles de compétence pour déterminer le tribunal saisi d’un litige transfrontalier. Cette différence de finalité interdit de donner aux dispositions conventionnelles une interprétation qui serait « étrangère au système et aux objectifs » de celles-ci. Le juge refuse ainsi de restreindre l’accès au for protecteur en se fondant sur des limites issues d’une réglementation purement sectorielle.

II. L’autonomie de la protection juridictionnelle face aux seuils financiers

A. L’exclusion des plafonds de la directive sur le crédit à la consommation

L’arrêt précise que le dépassement du plafond de soixante-quinze mille euros est sans incidence sur l’application des règles de compétence juridictionnelle. La Cour affirme qu’en « aucun cas ce besoin d’assurer une cohérence entre différents actes ne saurait conduire à une interprétation » restrictive. L’exclusion de certains contrats du champ de la directive n’emporte pas leur éviction automatique de la sphère de protection procédurale internationale. Les seuils financiers de la directive 2008/48 délimitent la portée de l’harmonisation matérielle mais ne régissent pas la compétence des tribunaux. La référence aux textes sectoriels dans les travaux préparatoires possède une valeur purement illustrative selon l’analyse rigoureuse livrée par le juge.

B. Le maintien d’une protection unifiée du contractant faible

La solution garantit une protection uniforme du contractant présumé faible sans introduire de discriminations fondées sur la richesse du litige concerné. Le juge relève qu’un consommateur ayant conclu un contrat d’un montant élevé « ne mérite pas moins la protection prévue » par le texte. L’absence de différence de vulnérabilité entre les petits et les grands emprunteurs justifie le maintien du privilège de juridiction protecteur. Cette interprétation assure la prévisibilité indispensable des règles de conflit de juridictions au sein de l’espace de liberté et de justice. Le droit d’accès au tribunal du domicile du demandeur reste ainsi déconnecté des fluctuations économiques de chaque contrat de prêt souscrit.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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