Cour de justice de l’Union européenne, le 2 mars 2017, n°C-584/15

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 2 mars 2017, une décision portant sur le régime de la prescription des créances d’intérêts.

Entre mai et septembre 2000, un opérateur économique a soumis des déclarations d’exportation pour une quantité importante de blé tendre vers des pays tiers. Un contrôle douanier ultérieur a révélé des irrégularités dans les modalités de stockage de ces céréales avant leur exportation effective par la société concernée. L’autorité administrative compétente a émis des titres de perception afin de recouvrer les montants indûment perçus par cet opérateur au titre des aides. Ces titres ont été notifiés en janvier 2006, puis l’intéressé s’est finalement acquitté des sommes réclamées au cours de l’année civile 2010. En avril 2013, l’administration a sollicité le paiement d’intérêts afférents aux aides récupérées par l’intermédiaire d’un nouveau titre de perception annexé à sa décision.

L’opérateur a contesté cette mesure devant le tribunal administratif de Melun en invoquant la prescription de la créance portant sur les intérêts de retard. La juridiction saisie a décidé de surseoir à statuer pour interroger la Cour de justice sur l’interprétation du règlement relatif à la protection financière. Les questions portaient sur l’applicabilité du délai de prescription aux intérêts et sur la qualification juridique d’irrégularité continue ou répétée au sens européen. Le tribunal administratif souhaitait également préciser le point de départ du délai et l’incidence d’un allongement législatif de la prescription en droit interne. La question centrale consistait à savoir si le recouvrement des intérêts est soumis au délai de prescription général prévu par la réglementation de l’Union. La Cour devait déterminer si ces intérêts résultent d’une irrégularité distincte et comment s’articulent les délais nationaux avec les exigences du droit européen.

La Cour de justice affirme que le délai de prescription prévu par le règlement est applicable au recouvrement de créances d’intérêts de cette nature. L’étude de cette solution conduit à examiner l’assimilation des intérêts à la mesure principale puis le régime strict de la prescription et des normes.

I. L’assimilation des intérêts à la mesure administrative principale

A. L’extension du champ d’application temporel du règlement

La Cour précise que le règlement introduit une réglementation générale relative aux mesures administratives portant sur des irrégularités au regard du droit de l’Union. Les titres de perception en cause participent du retrait de l’avantage indûment obtenu par l’opérateur concerné au sens de la législation européenne applicable. Les juges considèrent que ces titres constituent des « mesures administratives » tant pour le principal que pour les intérêts afférents aux sommes indûment perçues. Cette qualification juridique entraîne l’application du délai de prescription de quatre ans prévu par l’article 3 du règlement n o 2988/95 aux intérêts. L’interprétation retenue assure une protection homogène des intérêts financiers de l’Union européenne contre les atteintes provenant de pratiques irrégulières des opérateurs économiques privés.

B. Le rejet de l’autonomie de la créance d’intérêts

Les autorités nationales soutenaient que l’absence persistante de règlement de la créance principale constituait une irrégularité continue durant toute la période du retard. La Cour de justice rejette cette analyse car les intérêts compensatoires ne sauraient être issus d’une irrégularité distincte de celle entraînant la récupération. Ces créances d’intérêts résultent de la « même irrégularité » que celle ayant permis l’obtention indue des aides et des montants constitutifs de la dette. Le fait d’être débiteur d’intérêts ne caractérise pas une violation répétée mais prolonge simplement les conséquences financières de l’acte initial jugé fautif. Cette solution évite un report excessif du point de départ de la prescription qui nuirait gravement à la prévisibilité juridique pour les entreprises exportatrices.

II. Le régime de la prescription et l’articulation des normes

A. La protection de la sécurité juridique par l’encadrement des poursuites

Le délai de prescription des poursuites commence à courir au jour de la réalisation du préjudice ou de l’acte constituant la violation du droit. La Cour souligne que le point de départ se situe à la date de l’événement survenant en dernier lieu pour l’ensemble de la dette réclamée. Le texte impose une « limite absolue » s’appliquant à la prescription des poursuites à l’expiration d’un délai égal au double du délai initial prévu. L’autorité administrative ne peut plus adopter de décision relative aux intérêts si ce délai global est atteint sans qu’une mesure concrète soit intervenue. Cette règle garantit que la prescription ne puisse pas être indéfiniment retardée par des actes interruptifs répétés de la part des administrations nationales compétentes.

B. La validité conditionnelle de l’allongement législatif du délai

Les États membres conservent la possibilité d’appliquer des délais de prescription plus longs que le délai minimal de quatre années prévu par le règlement. La Cour admet qu’un délai national de cinq ans peut se substituer au délai européen pour les prescriptions non encore acquises lors du changement. L’application de ces dispositions nationales doit toutefois impérativement « respecter les principes généraux du droit de l’Union » comme la sécurité juridique et la proportionnalité. Un délai de cinq ans respecte l’exigence de proportionnalité car il n’est supérieur que d’une année au délai de droit commun de l’Union européenne. La juridiction nationale doit néanmoins vérifier que la prescription n’était pas déjà acquise avant l’entrée en vigueur de la nouvelle loi de droit interne.

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Hassan KOHEN
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