Par un arrêt en date du 2 octobre 2008, la Cour de justice des Communautés européennes a précisé les modalités de classement tarifaire d’un composant électronique complexe au sein de la nomenclature combinée.
En l’espèce, une société importatrice s’était vu délivrer par l’administration douanière nationale des renseignements tarifaires contraignants classant des optocoupleurs sous différentes sous-positions des chapitres 8541 et 8542 de la nomenclature douanière. Par la suite, l’administration a retiré ces renseignements, considérant que l’ensemble de ces marchandises devait relever de la sous-position 8543, correspondant aux machines et appareils électriques ayant une fonction propre non dénommés ailleurs. La société a contesté cette nouvelle classification, soutenant que la nature fondamentale des optocoupleurs justifiait leur maintien sous la position 8541. Le litige a finalement été porté devant le Hoge Raad der Nederlanden, qui a saisi la Cour de justice d’une question préjudicielle.
La juridiction de renvoi cherchait à déterminer si un optocoupleur, qui assure une isolation galvanique entre des circuits en convertissant un signal électrique en signal lumineux puis à nouveau en signal électrique, et qui peut intégrer un circuit amplificateur, devait être classé comme un dispositif photosensible à semi-conducteur sous la position 8541, un circuit intégré électronique sous la position 8542, ou une machine ayant une fonction propre sous la position 8543.
La Cour de justice a jugé que la nomenclature combinée doit être interprétée en ce sens qu’un optocoupleur, qu’il comporte ou non un circuit amplificateur, relève de la position 8541.
Cette solution conduit la Cour à affirmer la prévalence du caractère essentiel du composant comme critère de classement (I), ce qui a pour effet de clarifier la portée des positions tarifaires résiduelles (II).
I. L’affirmation du caractère essentiel du composant comme critère de classement
La Cour fonde son raisonnement sur une analyse fonctionnelle du produit, écartant la qualification de machine autonome (A) pour retenir celle découlant de sa fonction principale de dispositif photosensible (B).
A. Le rejet de la qualification de machine à fonction propre
La juridiction européenne écarte d’emblée la pertinence de la position 8543. Elle rappelle que cette position a un caractère résiduel, ne s’appliquant que si aucune autre position plus spécifique du chapitre 85 ne peut être retenue. Or, tel n’est pas le cas en l’espèce, puisque la position 8541 est d’emblée identifiée comme potentiellement applicable.
Surtout, la Cour analyse la nature même de l’optocoupleur pour déterminer s’il constitue une « machine ou un appareil électrique ayant une fonction propre ». Elle conclut par la négative, en relevant que de tels composants sont destinés à être intégrés dans des ensembles plus vastes et ne peuvent opérer de manière autonome. La Cour souligne en effet que « les optocoupleurs en tant que tels ne peuvent fonctionner utilement indépendamment de l’appareil électrique auquel ils sont destinés ». Ce faisant, elle refuse de leur reconnaître une fonction propre au sens de la position 8543 et les qualifie de parties de machines. Cette analyse est conforme à la logique du système harmonisé, qui distingue les produits finis des composants destinés à leur fabrication.
B. La primauté de la fonction photosensible sur la composition de l’article
Une fois la qualification de machine écartée, la Cour devait arbitrer entre les positions 8541 et 8542, le choix dépendant de l’importance accordée à la présence du circuit amplificateur. L’argument de l’administration nationale reposait sur le fait que l’adjonction de ce circuit intégré modifiait la nature du produit au point de le faire relever de la position 8542, relative aux circuits intégrés, ou justifiait son exclusion de la position 8541.
La Cour rejette cette approche en se fondant sur le critère des caractéristiques et propriétés objectives de la marchandise. Elle considère que la fonction première et essentielle d’un optocoupleur est d’être un dispositif photosensible à semi-conducteur. L’ajout d’un circuit amplificateur, bien que modifiant sa structure, ne change pas sa nature fondamentale. Selon la Cour, « la présence dudit circuit ne modifie donc pas fondamentalement les caractéristiques et propriétés de l’optocoupleur en tant que dispositif photosensible à semi-conducteur ». Cette intégration est présentée comme une simple amélioration technique, une pratique courante ne servant qu’à optimiser la transmission du signal. La fonction l’emporte donc sur la composition.
En établissant clairement la méthode de classement fondée sur le caractère essentiel, la Cour précise par voie de conséquence la portée des positions tarifaires concernées.
II. La portée de la solution sur l’interprétation de la nomenclature combinée
La décision renforce la sécurité juridique en matière de classement douanier (A) et confirme une interprétation stricte du caractère subsidiaire de certaines positions (B).
A. Le renforcement de la prévisibilité du classement tarifaire
En faisant prévaloir la fonction essentielle sur la présence d’éléments accessoires, même complexes comme un circuit intégré, la Cour offre aux opérateurs économiques une grille de lecture plus stable et prévisible. La solution évite que des modifications techniques mineures ou des améliorations fonctionnelles n’entraînent des changements de classement tarifaire, source d’insécurité juridique et de complexité administrative. Le critère décisif demeure celui des « caractéristiques et leurs propriétés objectives », tel que défini par le libellé de la position.
Cette jurisprudence garantit une application uniforme de la nomenclature combinée au sein de l’Union européenne pour des composants technologiquement composites. Elle prévient les divergences d’interprétation entre les administrations douanières nationales, qui pourraient être tentées de classer un même produit différemment selon le degré de sophistication de ses composants secondaires. La stabilité du classement est ainsi assurée, indépendamment des évolutions technologiques qui ne modifient pas la destination principale du produit.
B. L’interprétation stricte du caractère résiduel de la position 8543
Au-delà du cas des optocoupleurs, cet arrêt a une portée plus générale quant à l’application de la position 8543. En rappelant avec force son caractère subsidiaire, la Cour en limite le champ d’application aux seules machines et appareils qui ne trouvent place dans aucune autre position plus spécifique du chapitre 85. Cette position ne saurait servir de catégorie fourre-tout pour des articles complexes dont le classement est incertain.
De plus, la Cour s’appuie sur les notes de la section XVI de la nomenclature pour conforter son analyse. Elle rappelle que, selon la note 2, sous a), les parties de machines consistant en articles compris dans une position des chapitres 84 ou 85, comme la position 8541, relèvent de cette position quelle que soit la machine à laquelle elles sont destinées. La règle de classement spécifique d’une partie l’emporte sur une approche plus générale. La Cour précise également que la note 2, sous b), n’est pas applicable, car les optocoupleurs sont utilisés dans une grande variété d’appareils et ne sont pas principalement destinés aux machines de la position 8543. Cette interprétation rigoureuse des notes de section consolide la structure hiérarchique du classement tarifaire.