Cour de justice de l’Union européenne, le 2 octobre 2025, n°C-284/24

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 2 octobre 2025, un arrêt majeur relatif à l’indemnisation des victimes de la criminalité intentionnelle violente. Une personne résidant dans un État membre a subi une agression criminelle grave devant son domicile, entraînant des séquelles physiques et psychologiques de nature permanente. Saisi d’une demande d’indemnisation, l’organisme national compétent a limité son allocation aux seuls frais matériels déboursés, excluant par principe toute réparation au titre de la souffrance. Le requérant a contesté ce refus devant la juridiction supérieure de cet État, invoquant l’incompatibilité de la réglementation nationale avec les dispositions impératives du droit de l’Union. La juridiction de renvoi demande si l’exigence d’une « indemnisation juste et appropriée » s’oppose à l’exclusion systématique des dommages-intérêts pour la douleur et la souffrance endurées. La Cour affirme que le régime national doit impérativement tenir compte de la gravité des conséquences de l’infraction, incluant nécessairement la dimension morale du préjudice subi.

I. L’exigence d’une prise en compte globale du préjudice subi par la victime

A. L’inclusion de la souffrance dans la notion d’indemnisation juste

L’article 12 de la directive 2004/80 impose aux États membres de garantir une indemnisation dont le montant global doit être qualifié de « juste et approprié ». La Cour précise que cette contribution financière ne peut être validée que si elle « compense, dans une mesure adéquate, les souffrances » auxquelles les victimes sont exposées. L’absence de référence explicite au préjudice moral dans le texte initial n’autorise pas les autorités nationales à ignorer les atteintes graves portées à l’intégrité mentale. Le juge européen souligne ainsi que la notion de victime englobe toute personne physique ayant subi une « atteinte à son intégrité physique, mentale ou émotionnelle ».

B. L’interprétation téléologique et uniforme des dispositions du droit de l’Union

L’interprétation uniforme du droit de l’Union impose de concilier les différentes versions linguistiques en s’appuyant sur l’économie générale ainsi que sur la finalité de la directive. Le considérant 2 de ce texte vise la protection de l’intégrité des personnes, laquelle doit s’entendre comme étant à la fois « physique et mentale ». Cette lecture extensive assure la cohérence avec la Charte des droits fondamentaux, garantissant ainsi un niveau de protection minimale efficace pour chaque individu indûment lésé. Cette reconnaissance de la dimension morale du préjudice permet alors de définir les limites du pouvoir d’appréciation dont disposent les instances nationales.

II. L’encadrement du pouvoir d’appréciation des États membres par le juge européen

A. Le rejet d’une indemnisation nationale purement symbolique

Les États membres conservent une marge d’appréciation pour déterminer les modalités d’indemnisation sans toutefois proposer des montants manifestement insuffisants ou de nature purement symbolique. L’exclusion totale d’une catégorie de préjudice, tel que le dommage moral, méconnaît l’obligation de prendre en compte la réalité concrète des conséquences de l’acte criminel. Une somme couvrant exclusivement les menues dépenses courantes ne saurait répondre aux exigences d’une réparation adaptée face à des blessures physiques graves et définitives. L’indemnisation octroyée doit donc constituer une contribution réelle à la réparation du préjudice matériel et moral, sous peine de vider la directive de son efficacité.

B. L’équilibre nécessaire entre viabilité financière et effectivité de la réparation

Si la viabilité financière des régimes nationaux autorise une réparation qui n’est pas intégrale, elle ne dispense pas le juge de rechercher un montant véritablement approprié. L’indemnisation doit représenter une contribution adéquate, calculée impérativement en fonction de la gravité de l’infraction commise et de la situation particulière de chaque victime concernée. La Cour rappelle que cette aide subsidiaire doit rester cohérente avec les dommages-intérêts normalement dus par l’auteur de l’infraction au titre de la responsabilité délictuelle classique. La fixation du montant final relève de la compétence du juge national qui doit toutefois respecter les standards minimaux de protection définis par l’Union.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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