Cour de justice de l’Union européenne, le 2 septembre 2021, n°C-502/20

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 2 septembre 2021, une décision interprétant la directive relative à la reconnaissance des qualifications professionnelles. Ce litige porte précisément sur la délimitation entre la liberté d’établissement et la libre prestation de services au sein du marché intérieur. Un expert en automobiles, désormais établi au Luxembourg, souhaitait accomplir des missions professionnelles régulières sur le territoire belge pour le compte de ses clients. L’organisme professionnel national refusait son inscription au registre des prestations temporaires au motif qu’il y avait exercé son activité de manière durable auparavant. Le Tribunal de commerce du Hainaut, par un jugement du 29 novembre 2017, a d’abord accueilli la demande d’interdiction de l’organisme professionnel national. La Cour d’appel de Mons, saisie le 15 février 2018, a ensuite interrogé la Cour de justice sur les critères de la prestation temporaire. La question posée est de savoir si le passé professionnel ou l’usage d’une infrastructure empêchent la qualification de prestation de services temporaire. La Cour juge que la réglementation nationale ne peut interdire un tel exercice professionnel pour des motifs tirés de l’histoire du prestataire. La solution de la Cour permet d’analyser d’abord l’autonomie de la prestation temporaire puis l’encadrement strict des restrictions imposées par l’État d’accueil.

I. L’interprétation souple de la prestation de services temporaire

A. L’indépendance à l’égard des antécédents professionnels

Le droit de l’Union distingue clairement les régimes applicables selon que l’opérateur économique est établi ou non dans l’État membre où il intervient. La Cour rappelle que l’établissement « implique l’exercice effectif d’une activité économique au moyen d’une installation stable dans l’État membre d’accueil pour une durée indéterminée ». Le prestataire a exercé son métier en Belgique pendant vingt-cinq ans avant de transférer son siège principal vers le Grand-Duché de Luxembourg. L’organisme professionnel soutenait que ce passé national faisait obstacle à la reconnaissance du caractère temporaire et occasionnel de ses nouvelles interventions. Les juges de Luxembourg rejettent cette interprétation restrictive car aucun texte n’interdit de devenir un prestataire transfrontalier après avoir été un professionnel établi. La liberté de circulation permet à tout citoyen de modifier la forme de son activité économique sans que son passé ne constitue une entrave.

B. La reconnaissance d’une récurrence et d’une infrastructure matérielle

La notion de service couvre des prestations fournies de manière plus ou moins fréquente ou régulière même sur une période de temps prolongée. La Cour de justice souligne qu’aucune disposition « ne permet de déterminer, de manière abstraite, la durée ou la fréquence » excluant la qualification de prestation. Le caractère temporaire n’exclut pas non plus la possibilité pour le prestataire de se doter d’une infrastructure minimale comme un bureau ou un cabinet. Cette installation matérielle doit simplement rester nécessaire aux fins de l’accomplissement de la prestation de services précise envisagée par le professionnel étranger. La récurrence des missions effectuées ne suffit donc pas à transformer automatiquement une prestation de services en un établissement stable soumis au droit.

II. La préservation de la liberté de circulation contre les obstacles nationaux

A. L’interdiction des critères d’exclusion automatiques

L’article 5 de la directive 2005/36 s’oppose à ce qu’un État membre restreigne la libre prestation pour des raisons relatives aux qualifications professionnelles. La décision commentée censure la pratique consistant à utiliser des indices factuels pour refuser l’accès au registre des prestataires de services temporaires. La Cour affirme qu’un professionnel établi ailleurs ne peut être privé de ses droits au motif qu’il disposerait d’une infrastructure sur le territoire national. Cette position protège ainsi le principe d’effet utile de la directive contre des interprétations nationales qui viendraient vider de sa substance la liberté fondamentale. L’appréciation du caractère occasionnel doit se faire au cas par cas selon la durée, la fréquence, la périodicité et la continuité de l’activité.

B. L’encadrement des prérogatives de l’État membre d’accueil

L’État d’accueil conserve le droit de contrôler la véracité des affirmations du professionnel afin d’éviter tout abus de droit ou toute fraude. Le considérant 11 de la directive 2005/36 précise que les autorités peuvent empêcher leurs citoyens de se soustraire abusivement à l’application du droit national. Toutefois, ce contrôle légitime ne doit jamais aboutir à créer des obstacles disproportionnés ou des interdictions fondées sur des critères non prévus par l’Union. La Cour précise que les États peuvent prévoir « une inscription temporaire intervenant automatiquement » afin de faciliter l’application des éventuelles dispositions disciplinaires. Cette exigence administrative ne doit cependant ni retarder ni compliquer la prestation de services ni entraîner des frais supplémentaires pour le prestataire.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

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