Cour de justice de l’Union européenne, le 20 décembre 2017, n°C-277/16

La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 13 décembre 2018, précise l’étendue des pouvoirs des autorités réglementaires nationales en télécommunications. L’affaire traite des obligations d’orientation des prix en fonction des coûts imposées aux opérateurs disposant d’une puissance significative sur le marché.

Une autorité de régulation a imposé à une entreprise puissante de fixer ses tarifs de terminaison d’appel vocal mobile selon les coûts supportés. Le régulateur a ensuite réduit ces prix sous le niveau des dépenses réelles pour atteindre des objectifs de concurrence et d’efficacité économique.

L’opérateur a contesté cette décision devant le tribunal régional de Varsovie qui a annulé la modification tarifaire par un jugement du 27 mai 2013. La cour d’appel de Varsovie a réformé cette solution le 7 mai 2014 en validant la compétence du régulateur pour corriger les tarifs présentés. La Cour suprême nationale a sursis à statuer pour interroger le juge européen sur l’interprétation des articles 8 et 13 de la directive « accès ».

La question posée concerne la légalité d’un tarif inférieur aux coûts réels et la validité d’un contrôle périodique préalable à l’application commerciale effective. La Cour examine si le respect des droits fondamentaux autorise une autorité administrative à imposer une actualisation annuelle des tarifs fondée sur des modèles théoriques.

Le juge européen affirme qu’un régulateur peut fixer des prix inférieurs aux coûts supportés s’ils excèdent ceux d’un opérateur gérant ses activités efficacement. L’étude de cette solution conduit à analyser la prééminence de l’efficacité économique (I), puis les modalités de mise en œuvre du contrôle tarifaire (II).

I. L’affirmation de la primauté de l’efficacité économique sur les coûts réels

A. La consécration du critère de l’opérateur efficace

La Cour souligne que l’obligation d’orientation ne garantit pas le recouvrement intégral des dépenses exposées par l’entreprise régulée pour ses prestations de services. Elle précise que « les [autorités réglementaires nationales] calculent les coûts de la fourniture d’une prestation efficace et peuvent utiliser des méthodes de comptabilisation des coûts distinctes ». Le juge européen valide ainsi le recours à un modèle théorique performant pour fixer les plafonds tarifaires imposés aux acteurs dominants du secteur. Cette approche privilégie les bénéfices retirés par les consommateurs finaux plutôt que la préservation de la rentabilité individuelle des structures économiques moins compétitives.

B. La marge d’appréciation étendue des autorités de régulation

L’autorité de régulation dispose d’une latitude importante pour déterminer les méthodologies de tarification visant à favoriser une concurrence durable sur les marchés nationaux. Le juge affirme que « le législateur de l’Union a confié aux [autorités] une marge d’appréciation étendue dans le choix des mesures de contrôle des prix ». La décision confirme que le régulateur peut légitimement imposer des tarifs inférieurs aux coûts réels si ceux-ci dépassent les standards d’une gestion optimisée. L’objectif de promotion de l’efficacité économique justifie cette intrusion dans la gestion financière des entreprises disposant d’un poids prépondérant sur le marché.

Cette rigueur dans la fixation du niveau des prix s’accompagne d’un encadrement strict des procédures de vérification et d’ajustement par l’administration compétente.

II. L’encadrement des modalités de mise en œuvre du contrôle tarifaire

A. La validité du contrôle périodique et préalable

Le droit de l’Union permet aux autorités d’imposer une actualisation annuelle des tarifs fondée sur les données comptables les plus récentes du marché. La Cour estime qu’une « obligation d’adaptation annuelle de prix préalablement fixés est susceptible de répondre » aux évolutions rapides caractérisant le domaine des communications électroniques. Ce contrôle périodique assure la transparence des actes administratifs tout en garantissant un niveau suffisant de sécurité juridique pour l’ensemble des opérateurs. La mesure doit rester proportionnée à la nature du problème constaté et contribuer effectivement aux objectifs de régulation définis par la directive cadre.

B. La conciliation avec la liberté d’entreprise

L’exigence d’une justification préalable des prix ne contrevient pas à la liberté d’entreprise protégée par la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La juridiction énonce que « l’opérateur concerné pouvait continuer à fournir les services en cause après l’imposition desdites obligations » réglementaires spécifiques. L’ajustement peut intervenir avant ou après le début de l’application effective des tarifs dans les relations commerciales avec les autres acteurs. Cette faculté permet de s’assurer que les objectifs d’intérêt général sont poursuivis efficacement sans attendre la matérialisation d’un préjudice pour les utilisateurs.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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