Cour de justice de l’Union européenne, le 20 décembre 2017, n°C-334/16

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 20 décembre 2017, une décision essentielle relative à l’obligation d’assurance des véhicules automoteurs. Un officier de l’armée a subi des blessures après le reversement de son véhicule lors d’exercices nocturnes sur un terrain de manœuvres militaires. L’assureur a refusé l’indemnisation au motif que l’accident ne constituait pas un fait de la circulation selon la loi espagnole alors applicable. Le tribunal de première instance numéro un d’Albacete a rejeté le recours de la victime par un jugement du 3 novembre 2015. Saisie en appel, l’Audiencia Provincial de Albacete a posé plusieurs questions préjudicielles concernant l’interprétation de l’article 3 de la directive 2009/103. La juridiction européenne devait déterminer si une réglementation nationale pouvait limiter la couverture d’assurance en fonction des caractéristiques du terrain de l’accident. Elle a jugé que le droit de l’Union s’oppose à une exclusion de garantie fondée sur l’inadaptation du lieu à la circulation automobile. L’étude de la conception autonome de la circulation précédera celle de la protection des victimes contre les restrictions nationales non autorisées.

I. L’interprétation autonome de la notion de circulation des véhicules

A. La fonction habituelle du véhicule comme critère unique de qualification

La Cour rappelle d’abord que la notion de circulation constitue une « notion autonome du droit de l’Union » qui requiert une interprétation uniforme. Elle affirme que cette définition « ne saurait être laissée à l’appréciation de chaque État membre » afin de garantir l’efficacité de la protection européenne. Le juge communautaire considère ainsi que relève de cette notion « toute utilisation d’un véhicule qui est conforme à la fonction habituelle de ce dernier ». Cette approche fonctionnelle permet d’inclure les accidents survenus en dehors de la voie publique si le véhicule sert de moyen de transport. En l’espèce, le véhicule tout terrain était utilisé pour transporter l’officier, ce qui correspondait parfaitement à sa destination naturelle de déplacement. Cette analyse privilégie l’usage concret du matériel sur sa localisation géographique pour déterminer l’application de l’assurance obligatoire de responsabilité civile.

B. L’indifférence des caractéristiques géographiques du lieu de l’accident

Le juge européen précise que la protection des victimes ne peut pas dépendre de la nature du terrain sur lequel circule le véhicule. Il souligne expressément que « la portée de ladite notion ne dépend pas des caractéristiques du terrain sur lequel le véhicule automoteur est utilisé ». L’obligation d’assurance couvre donc l’utilisation du véhicule sur des terrains privés, des zones militaires ou des surfaces non goudronnées inaccessibles au public. La Cour rejette l’idée que le caractère fermé ou interdit d’une zone puisse libérer l’assureur de son obligation légale de couvrir les dommages. Cette solution assure une continuité de la garantie dès lors que le risque lié à la force mécanique du moteur est mis en œuvre. La reconnaissance d’une telle unité conceptuelle fragilise nécessairement les dispositions législatives nationales qui introduisent des distinctions fondées sur la viabilité des sols.

II. L’opposabilité de l’obligation d’assurance aux réglementations nationales restrictives

A. Le rejet des limitations fondées sur la nature du terrain emprunté

Le droit espagnol limitait la couverture obligatoire aux faits de la circulation survenant sur des voies adaptées ou couramment utilisées par le public. La Cour juge qu’une telle réglementation nationale est contraire à l’article 3 de la directive car elle restreint indûment le droit à indemnisation. Elle affirme que le droit de l’Union « s’oppose à une réglementation nationale qui permet d’exclure de la couverture de l’assurance obligatoire les dommages survenus sur des voies inadaptées ». Cette exclusion réduit la protection des victimes à une zone géographique trop limitée par rapport aux objectifs sociaux poursuivis par le législateur européen. L’inadaptation du terrain aux véhicules à roues ne constitue pas un motif valable pour écarter la responsabilité de l’assureur en cas de sinistre. La juridiction européenne impose donc une primauté de la norme communautaire sur les définitions restrictives du « fait de la circulation » contenues dans les règlements nationaux.

B. Le caractère exhaustif des dérogations prévues par le droit de l’Union

Les États membres ne peuvent s’écarter de l’obligation générale d’assurance que dans les conditions strictement énumérées par l’article 5 de la directive. Ces dérogations concernent uniquement certaines personnes publiques ou privées ainsi que certains types de véhicules dont la liste doit être notifiée préalablement. La Cour observe que le véhicule militaire en cause n’était visé par aucune dispense spécifique notifiée par le Royaume d’Espagne à la Commission. En l’absence de dérogation formelle, aucune distinction relative à l’usage militaire ou au lieu de manœuvre ne peut justifier une absence de couverture. Le juge communautaire confirme ainsi que les facultés d’exclusion des États membres sont d’interprétation étroite et ne peuvent pas être étendues par voie jurisprudentielle. Cette rigueur assure aux victimes un traitement comparable quel que soit l’endroit du territoire de l’Union où l’accident mécanique se produit.

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Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

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