La Cour de justice de l’Union européenne, par un arrêt du 20 décembre 2017, tranche une question majeure sur l’application matérielle du droit international privé européen. Un couple possédant la double nationalité syrienne et allemande s’est marié en Syrie avant de fixer sa résidence habituelle en Allemagne durant plusieurs années de vie commune. Le mari a déclaré sa volonté de divorcer devant un tribunal religieux étranger, lequel a formellement constaté la dissolution du mariage sans intervention d’une autorité étatique. Le président de l’Oberlandesgericht de Munich a, par une décision du 5 novembre 2013, ordonné la reconnaissance du divorce avant de confirmer ce rejet le 8 avril 2014. Saisi d’un recours, l’Oberlandesgericht de Munich a, le 2 juin 2015, suspendu la procédure pour solliciter l’avis de la juridiction européenne sur l’interprétation du règlement Rome III. Les juges considèrent qu’un tel divorce ne relève pas de la législation européenne, ce qui justifie une analyse de l’exclusion des divorces privés avant d’étudier l’exigence d’intervention publique.
I. L’exclusion des divorces privés du domaine matériel du règlement européen
A. Une interprétation fondée sur la sémantique et le contexte normatif
La juridiction européenne rappelle d’abord que le texte ne définit pas précisément le terme de divorce mais contient de nombreuses références explicites à l’intervention d’une juridiction. « Les références à l’intervention d’une juridiction et à l’existence d’une procédure » indiquent clairement que le législateur visait uniquement les actes prononcés par une autorité publique ou sous son contrôle. Le règlement mentionne les actions judiciaires, ce qui exclut en pratique les manifestations de volonté purement privées n’ayant fait l’objet d’aucun contrôle par une autorité étatique. Cette interprétation garantit une harmonie nécessaire avec les instruments législatifs adoptés dans le cadre de la politique de coopération judiciaire en matière civile au sein de l’Union. Cette analyse contextuelle se double d’une recherche approfondie sur la volonté historique des auteurs du texte européen lors des travaux préparatoires de la norme de conflit.
B. Le respect de l’intention initiale du législateur de l’Union
Les motifs de la décision précisent que lors de l’adoption de la norme, seuls des organes à caractère public pouvaient adopter des décisions ayant une valeur juridique contraignante. « Le législateur de l’Union a eu uniquement en vue les situations dans lesquelles le divorce est prononcé soit par une juridiction étatique soit par une autorité publique ». L’absence de mention des divorces privés durant les négociations législatives confirme cette volonté de restreindre le cadre juridique aux seules interventions officielles des autorités des États membres. L’inclusion de ces formes de dissolution nécessiterait désormais des aménagements spécifiques relevant de la compétence exclusive du législateur européen et non d’une interprétation jurisprudentielle extensive. Cette délimitation stricte conduit à examiner les conditions de fond de l’exigence d’une intervention par un organe officiel pour la validité européenne de la rupture.
II. L’exigence impérative d’une intervention par une autorité publique
A. Le lien indissociable entre procédure légale et dissolution matrimoniale
La solution rendue confirme que le divorce, au sens du droit de l’Union, suppose obligatoirement le concours de nature constitutive d’une juridiction ou d’une autorité publique habilitée. « Le règlement ne couvre que les divorces prononcés soit par une juridiction étatique soit par une autorité publique ou sous son contrôle » direct ou même indirect. Cette exigence garantit la sécurité juridique en soumettant la rupture du lien conjugal à une procédure encadrée par des normes étatiques protectrices des droits des deux conjoints. La Cour refuse ainsi d’assimiler les actes confessionnels unilatéraux à des décisions judiciaires classiques malgré leur enregistrement formel par un tribunal religieux agissant selon un droit étranger. Le rejet de l’application du règlement européen implique alors une résolution du conflit de lois par les juridictions internes saisies de la demande de reconnaissance du divorce.
B. Le renvoi nécessaire aux règles nationales de conflit de lois
L’inapplicabilité du règlement Rome III aux divorces privés entraîne mécaniquement le retour aux règles de droit international privé de l’État membre saisi du litige au principal. La juridiction de renvoi devra donc trancher le litige sur la base de ses propres dispositions nationales de conflit de lois pour apprécier la validité du divorce étranger. Cette situation souligne la persistance de lacunes dans l’unification du droit européen concernant les nouvelles formes de rupture matrimoniale introduites dans certains ordres juridiques nationaux récents. L’arrêt invite implicitement les États membres à adapter leur législation interne ou à solliciter une évolution du cadre européen pour traiter ces situations impliquant des mariages étrangers. En l’état actuel du droit positif, la reconnaissance d’un divorce confessionnel reste soumise au contrôle de validité au regard du droit matériel désigné par les autorités nationales.