Cour de justice de l’Union européenne, le 20 décembre 2017, n°C-467/16

La Cour de justice de l’Union européenne, en sa deuxième chambre, s’est prononcée le 20 décembre 2017 sur l’interprétation de la convention de Lugano II. Cette décision répond à une demande de décision préjudicielle formulée par l’Amtsgericht Stuttgart, situé en Allemagne, concernant un litige relatif aux obligations alimentaires. Une descendante domiciliée en Suisse contestait le remboursement de prestations d’assistance sociale versées par un organisme public étranger au profit de sa mère. Le service administratif a introduit une requête de conciliation en Suisse le 16 octobre 2015 avant que la débitrice ne saisisse le juge allemand. L’autorité de conciliation helvétique ayant délivré une autorisation de procéder, l’organisme a porté son action devant le Kantonsgericht Schaffhausen en mai 2016. L’Amtsgericht Stuttgart s’est interrogé sur l’existence d’une situation de litispendance obligeant à surseoir à statuer au profit de la première autorité régulièrement saisie. La question portait sur la possibilité de qualifier l’autorité de conciliation helvétique de juridiction au sens des articles 27 et 30 de ladite convention. La Cour a jugé que la date de la procédure obligatoire de conciliation constitue le moment précis où une juridiction est réputée régulièrement saisie. L’étude de la qualification fonctionnelle de l’autorité de conciliation précédera l’analyse des conséquences de cette solution sur la détermination de la litispendance internationale.

I. L’assimilation fonctionnelle de l’autorité de conciliation à une juridiction

A. La prééminence d’un critère matériel sur la qualification nationale

La Cour adopte une définition large de la notion de juridiction pour garantir l’efficacité des mécanismes de coordination des compétences judiciaires entre les États. L’article 62 de la convention de Lugano II prévoit expressément que le terme inclut toute autorité désignée comme compétente par un État lié contractuellement. Le juge européen consacre ainsi « une approche fonctionnelle selon laquelle une autorité est qualifiée de juridiction par les fonctions qu’elle exerce plutôt que par la classification formelle ». Cette interprétation autonome permet de s’affranchir des dénominations issues du droit interne pour privilégier la réalité de la mission juridictionnelle exercée par l’organe sollicité.

B. L’insertion de la conciliation dans une unité procédurale indissociable

Le droit suisse prévoit que l’instance est obligatoirement introduite par le dépôt d’une requête de conciliation sous réserve de quelques exceptions très limitées. L’autorité de conciliation dispose de pouvoirs étendus lui permettant de consigner des transactions ayant les effets d’une décision de justice entrée en force. La procédure devant cet organe est soumise au principe du contradictoire et les agents qui la composent bénéficient de garanties d’indépendance et de récusation. Il en résulte que « la procédure de conciliation et la procédure judiciaire ultérieure forment une seule et même unité procédurale » aux yeux du droit européen. Cette reconnaissance de la nature judiciaire de la phase de conciliation influence directement l’ordre chronologique des saisines au sein de l’espace judiciaire.

II. L’unification de la litispendance par la chronologie de la saisine

A. Le caractère autonome de la date de saisine conventionnelle

L’article 30 de la convention définit de manière uniforme le moment où une juridiction est réputée saisie afin de réduire les risques de procédures parallèles. Cette disposition revêt un caractère objectif et se fonde exclusivement sur l’ordre chronologique dans lequel les différentes autorités ont été sollicitées par les parties. La date déterminante correspond au dépôt de l’acte introductif d’instance à la condition que le demandeur n’ait pas négligé de procéder aux notifications ultérieures. Le premier acte nécessaire à l’introduction de l’instance en Suisse demeure la citation en conciliation dont la date fixe définitivement la priorité temporelle.

B. La prévention efficace des procédures parallèles et des décisions contradictoires

L’interprétation convergente des instruments internationaux assure une cohérence indispensable entre le règlement de l’Union européenne et la convention signée avec la Confédération suisse. La Cour affirme que « la date à laquelle a été engagée une procédure obligatoire de conciliation […] constitue la date à laquelle une juridiction est réputée saisie ». Cette solution évite que deux juridictions ne statuent simultanément sur une demande en paiement et une action en constatation négative ayant le même objet. La sécurité juridique des justiciables est ainsi renforcée par une identification prévisible et rapide du juge compétent pour trancher le fond du litige.

📄 Circulaire officielle

Nos données proviennent de la Cour de cassation (Judilibre), du Conseil d'État, de la DILA, de la Cour de justice de l'Union européenne ainsi que de la Cour européenne des droits de l'Homme.
Hassan KOHEN
Avocat Associé

Hassan Kohen

Avocat au Barreau de Paris • Droit Pénal & Droit du Travail

Maître Kohen, avocat à Paris en droit pénal et droit du travail, accompagne ses clients avec rigueur et discrétion dans toutes leurs démarches juridiques, qu'il s'agisse de procédures pénales ou de litiges liés au droit du travail.

En savoir plus sur Kohen Avocats

Abonnez-vous pour poursuivre la lecture et avoir accès à l’ensemble des archives.

Poursuivre la lecture