Par une décision rendue sur renvoi préjudiciel, la Cour de justice de l’Union européenne précise les contours du droit d’accès à la justice pour les organisations de défense de l’environnement. En l’absence de faits précis dans l’extrait fourni, il est possible de déduire qu’une association de protection de la nature a contesté la légalité d’une autorisation administrative relative à un projet potentiellement dommageable pour l’état des eaux. Saisie par une juridiction nationale, la Cour était amenée à déterminer si les règles procédurales d’un État membre pouvaient restreindre le droit de recours d’une telle organisation, notamment en lui refusant la qualité de partie à la procédure ou en lui opposant une forclusion pour ne pas avoir soulevé ses objections en temps utile. La question posée à la Cour portait donc sur la compatibilité de ces règles procédurales nationales avec le droit de l’Union, en particulier au regard des exigences de la convention d’Aarhus et de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. La Cour de justice répond que le droit de l’Union s’oppose à de telles restrictions nationales, car elles privent d’effectivité le droit à un recours juridictionnel. La Cour établit ainsi fermement le principe d’un recours effectif pour ces organisations (I), tout en invalidant les obstacles procéduraux nationaux qui entraveraient son exercice (II).
I. La consécration d’un droit d’agir autonome pour les associations environnementales
La décision renforce significativement le statut des organisations de défense de l’environnement en leur reconnaissant un droit d’agir fondé sur une lecture combinée de plusieurs sources juridiques (A), spécifiquement pour assurer le respect des objectifs de la politique de l’Union dans le domaine de l’eau (B).
A. Une affirmation fondée sur l’effet combiné du droit international et du droit de l’Union
La Cour de justice établit sans équivoque qu’une organisation de défense de l’environnement doit pouvoir contester en justice une décision administrative potentiellement contraire au droit de l’Union. Pour ce faire, elle s’appuie sur l’article 9, paragraphe 3, de la convention d’Aarhus, lu conjointement avec l’article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. En joignant ces deux textes, la Cour confère une portée considérable au droit au recours. Elle juge qu’une « organisation de défense de l’environnement dûment constituée et fonctionnant conformément aux exigences prévues par le droit national doit pouvoir contester devant une juridiction une décision d’autorisation d’un projet ». Cette solution consacre les associations comme des gardiennes de l’intérêt général environnemental, dotées d’un droit propre à agir en justice pour faire respecter le droit de l’Union, indépendamment de la reconnaissance de ce droit par le seul droit interne.
B. Une application au service de l’effectivité de la directive-cadre sur l’eau
La portée de ce droit d’agir est précisée par son rattachement direct à la directive 2000/60/CE, dite directive-cadre sur l’eau. Le recours doit être ouvert lorsque le projet autorisé est « susceptible d’être contraire à l’obligation de prévenir la détérioration de l’état des masses d’eau ». La Cour ne se contente pas d’énoncer un principe général d’accès à la justice ; elle le rend opérationnel en le liant à la protection d’un intérêt matériel précis, protégé par le droit dérivé de l’Union. La valeur de cette approche réside dans sa finalité : garantir l’effet utile de la législation environnementale. En permettant aux organisations non gouvernementales de veiller au respect de cette directive devant les tribunaux nationaux, la Cour les institue en acteurs essentiels de la mise en œuvre du droit de l’Union, palliant ainsi d’éventuelles carences des autorités publiques dans leur mission de contrôle.
II. La neutralisation des obstacles procéduraux nationaux
La reconnaissance de ce droit d’agir serait vaine si son exercice pouvait être paralysé par des règles procédurales nationales trop restrictives. La Cour veille donc à son effectivité en écartant les règles qui limitent la participation à la procédure administrative (A) et celles qui instaurent une forclusion pour absence d’objections préalables (B).
A. Le rejet des règles subordonnant le recours à la qualité de partie
La Cour de justice s’oppose fermement à une législation nationale qui « exclut […] les organisations de défense de l’environnement du droit de participation, en tant que partie à la procédure, à une procédure d’autorisation […] et qui limite le droit de recours pour contester des décisions issues d’une telle procédure aux seules personnes ayant cette qualité ». Une telle règle crée un cercle vicieux procédural où l’impossibilité de participer en amont entraîne l’irrecevabilité de tout recours en aval. La Cour juge cette construction incompatible avec les objectifs de la convention d’Aarhus et le droit à un recours effectif. En dissociant le droit de recours de la participation préalable à la procédure administrative, elle garantit que l’accès au juge ne soit pas indirectement anéanti par les conditions d’accès à la phase administrative, préservant ainsi la substance même du droit consacré.
B. La mise à l’écart des règles de forclusion pour défaut d’objections
La Cour étend son raisonnement en censurant également les règles de forclusion qui priveraient une organisation de son droit de recours au motif qu’elle n’aurait pas soulevé ses objections au moment de la procédure administrative. Elle considère qu’il est contraire au droit de l’Union d’opposer à une organisation environnementale « une règle de droit procédural national de forclusion, en vertu de laquelle une personne est déchue de sa qualité de partie à la procédure […] si elle a omis de faire valoir ses objections en temps utile ». Une telle exigence ferait peser une charge excessive sur les associations, qui ne disposent pas toujours des moyens pour suivre l’ensemble des procédures administratives. En écartant cet obstacle, la Cour réaffirme la primauté du droit à un recours effectif sur l’autonomie procédurale des États membres lorsque celle-ci a pour effet de rendre l’exercice de ce droit excessivement difficile, voire impossible. La portée de cette solution est considérable, car elle impose aux juridictions nationales d’écarter des règles de procédure bien établies pour assurer la pleine efficacité du droit de l’Union.