Cour de justice de l’Union européenne, le 20 janvier 2021, n°C-619/19

La Cour de justice de l’Union européenne a rendu, le 20 janvier 2021, une décision fondamentale relative au droit d’accès aux informations environnementales. Une personne physique sollicitait auprès d’un ministère régional la communication de documents relatifs à l’abattage d’arbres dans un parc urbain. Ces pièces comprenaient des rapports transmis à la direction et des notes concernant une procédure de conciliation liée à un projet d’infrastructure ferroviaire. L’administration avait refusé cette demande en invoquant le caractère interne de ces échanges, conduisant le litige devant les juridictions administratives nationales. Le tribunal administratif supérieur du Bade-Wurtemberg a d’abord accueilli ce recours en considérant que la protection cessait après l’achèvement du processus décisionnel. Saisie d’un recours en révision, la Cour administrative fédérale d’Allemagne a décidé de surseoir à statuer pour interroger la juridiction européenne sur la directive. La juridiction de renvoi demandait si la notion de communications internes couvrait toutes les informations ne quittant pas la sphère de l’autorité publique. Elle souhaitait savoir si cette protection était illimitée dans le temps ou si elle prenait fin avec l’adoption d’une décision administrative. La Cour de justice de l’Union européenne répond que cette notion inclut toute information circulant au sein de l’autorité n’ayant pas été divulguée. Elle précise que l’applicabilité de la dérogation n’est pas limitée dans le temps, tout en exigeant une justification constante du besoin de confidentialité.

L’analyse de cet arrêt commande d’étudier la définition extensive de la communication interne, avant d’examiner l’encadrement temporel de sa protection.

I. Une définition extensive et autonome de la notion de communication interne

A. L’affirmation d’un critère matériel fondé sur la circulation de l’information

La Cour consacre une interprétation autonome et uniforme du terme communication en soulignant qu’il « vise une information adressée par un auteur à un destinataire ». Ce critère matériel suppose une transmission effective, même vers une entité abstraite comme un service administratif ou un collège de fonctionnaires. Le caractère interne de l’information dépend alors strictement de son maintien dans la sphère privée de l’autorité publique détentrice du document. Le juge européen affirme que sont visées les données qui « n’ont pas quitté la sphère interne de cette autorité » au moment de la demande. Cette approche privilégie la réalité matérielle de la non-divulgation sur toute autre considération formelle liée à l’organisation des services administratifs.

B. L’indifférence du contenu et de la provenance de l’information

La jurisprudence refuse de limiter la protection aux seules opinions personnelles des agents ou aux documents jugés essentiels à la décision finale. La Cour précise que « le libellé de l’article 4 n’indique en aucune manière que la notion de communications internes ne comprend pas les informations factuelles ». L’origine de l’information n’est pas non plus déterminante puisque des données reçues d’une source extérieure peuvent acquérir un caractère interne. L’objectif est de garantir aux autorités publiques un « espace protégé afin de poursuivre des réflexions et de mener des débats internes » sereinement. Cette protection couvre ainsi un spectre large d’informations, incluant des éléments techniques ou factuels nécessaires à l’élaboration de la politique environnementale.

L’étendue de cette définition matérielle impose cependant d’encadrer strictement la durée de la dérogation pour préserver le droit d’accès des citoyens.

II. Un régime de protection temporaire subordonné à une mise en balance des intérêts

A. L’absence de limite temporelle prédéfinie par le droit de l’Union

La Cour de justice rejette l’idée d’une extinction automatique de la protection lors de la clôture du dossier ou de l’adoption de la décision. Contrairement aux documents en cours d’élaboration, la dérogation pour les communications internes « n’est pas liée à l’élaboration ou à la rédaction de documents ». Elle ne dépend pas davantage du degré d’avancement d’un processus administratif particulier ou de l’achèvement d’une étape formelle de la procédure. Cette absence de limite temporelle rigide permet de protéger la liberté de pensée de l’auteur tant que le besoin de confidentialité demeure réel. Le droit d’accès se concrétise à la date de la demande, obligeant l’autorité à apprécier la situation de fait existante à ce moment.

B. Une protection limitée à la durée d’un besoin de confidentialité justifié

Le maintien du secret est conditionné par une mise en balance rigoureuse entre l’intérêt public de la divulgation et celui servi par le refus. L’autorité doit « prendre en compte le temps qui s’est écoulé depuis l’établissement de cette communication » pour évaluer la persistance du besoin. Des informations peuvent devenir historiques et perdre leur protection si leur divulgation ne porte plus atteinte effectivement à l’intérêt protégé. La Cour impose une obligation de motivation précise en exigeant que le risque d’atteinte soit « raisonnablement prévisible et non purement hypothétique ». Cette exigence garantit que le refus d’accès ne devienne pas une pratique administrative arbitraire déconnectée de la réalité de l’enjeu environnemental.

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Hassan KOHEN
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